Tandis que s’achève l’année 1299, dans l’ambiance exaltée du passage à un nouveau siècle, des dizaines de milliers de pèlerins se massent spontanément à Rome pour partager un moment de fête et de communion. Le pape Boniface VIII, soucieux de renforcer son autorité au sein de la chrétienté, comprend qu’il peut profiter de cet enthousiasme.
Au début de l’an 1300, il déclare ainsi accorder des « indulgences » – la rémission devant Dieu de châtiments encourus en raison des péchés – à tous ceux qui se rendront en pèlerinage dans la Ville éternelle au cours de l’« Année sainte » qu’il vient d’ouvrir : le premier jubilé (terme issu du latin jubilare, « se réjouir ») catholique vient d’être instauré.
Cette tradition héritée de pratiques antiques, dont on trouve des traces dans la Bible hébraïque, invite les fidèles au pardon mutuel, à la repentance et à la confiance en Dieu. Mais elle prend à l’époque une autre dimension, plus politique. « Le pape Boniface VIII est parvenu à prendre le contrôle d’un mouvement spontané et s’en est servi pour renforcer son autorité spirituelle », résume l’historien Bernard Dompnier, professeur émérite à l’université Clermont-Auvergne. Dans une chrétienté médiévale où l’information et les personnes circulent peu et où les références spirituelles sont les évêques et leurs prêtres, le pape impose un événement à visée universelle qu’il contrôle, et où il est au centre. Le tout dans un contexte de tensions avec le roi de France Philippe le Bel, dont Boniface VIII conteste l’autorité sur l’Eglise.
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