Avant de travailler dans le prêt-à-porter pendant les fêtes de fin d’année, Carla* ignorait pouvoir faire autant de pas en une seule journée: entre 18.000 et 20.000, à en croire sa montre connectée. Pourtant, pas le choix pour la jeune femme de 21 ans: elle doit être au top de sa forme pour accueillir la horde de clients qui commence à affluer dans les allées de sa boutique pour faire ses cadeaux de Noël.
« Là, les gens sont encore en repérage, mais dès ce week-end ça va commencer à se corser et s’accélérer », prévoit déjà cette vendeuse d’une boutique de vêtements pour hommes du centre commercial Beaugrenelle à Paris.
« On ne sait plus où donner de la tête »
Ainsi Carla* et son équipe prévoient déjà de « mettre le paquet » pendant ces deux week-ends qui s’annoncent comme « les plus intenses de l’année » puisqu’ils savent que près d’un tiers des Français a pris l’habitude de faire ses achats de Noël à la toute dernière minute. Si elle a appris à apprécier cette période de rush et d’excitation, la jeune femme sait aussi qu’elle terminera ses journées de travail sur les rotules.
« On sait que c’est une période cruciale sur l’année, où les attentes de nos employeurs sont forcément plus hautes », commente la très jeune employée, qui s’efforce de voir le mois de décembre comme un « défi » où il faut être « offensive ».
À deux semaines de Noël, le rythme s’accélère aussi chez un des géants de la fast fashion, dont les allées sont de loin les plus surchargées des enseignes de prêt-à-porter. Entre quelques plis de pulls, le vendeur du rayon enfants s’affaire à trier les porte-manteaux des caisses automatiques à toute vitesse. « On court à droite à gauche, ça n’arrête jamais. C’est l’intensité qui est compliquée à gérer », confie Brandon*, qui travaille chez ce géant du prêt-à-porter international depuis deux ans.
Le jeune vendeur regrette que les effectifs n’aient pas été renforcées pour l’occasion. « On est pas assez nombreux mais la charge de travail, elle, augmente », souffle-t-il, même s’il reconnaît qu’à force lui et ses collègues sont « rodés » à cette cadence. « Ce sont des journées harassantes où on ne sait plus ou donner de la tête: entre la queue aux cabines, aux caisses, les vêtements au sol ou mal rangés, les clients impatients… »
Des contrats courts pour épauler les équipes
« Humainement, c’est compliqué si on ne veut pas que ça se termine à coups de cintres », plaisante-t-il. C’est la course entre les clients qui cherchent des cadeaux et ceux qui cherchent leur tenue du réveillon en dernière minute. « Personnellement, j’essaie de rester ‘good vibe’ et les remarques désobligeantes me passent au-dessus de la tête ».
Malgré le stress et la cohue de veille de Réveillon, certains vendeurs adorent être immergés dans l’ambiance festive de Noël sur leur temps de travail, d’autant que les centres commerciaux et centres villes sont souvent décorés et animés de concerts et autres visites du père Noël.
À l’approche du grand jour, de nombreuses parfumeries et bijouteries s’arment de bras supplémentaires en vue du branle-bas de combat qui s’annonce ici quelques jours. Malgré tout, Océane s’attend au pire. Et pour cause, cette jeune conseillère vente d’une grande marque de bijoux a encore en tête « la méga foule » qui s’était emparée du centre commercial il y a trois ans, lorsque l’enseigne avait dû fermer les barrières de sécurité de la boutique par mesure de précaution.
« On a deux contrats courts en renfort mais malgré ça on sait très bien que la période va être lourde et fatiguante. Dans ces cas-là, on n’a pas le choix, on doit aller vite: on gère souvent sur 2-3 ventes en même temps et on est obligées de demander aux clients de faire preuve de patience, mais c’est sûr qu’il faut avoir les yeux partout ».
Du côté des grandes enseignes spécialisées dans les produits culturels, on mise sur le click and collect. Le 15 décembre n’a pas encore sonné mais les caisses sont déjà prises d’assaut entre midi et 14 heures, et le soir après 18 heures. « On a beaucoup renforcé cette partie-là du magasin car les habitudes ont changé », commente cette manager. « Beaucoup de clients commandent maintenant leurs cadeaux en ligne et viennent récupérer leurs paquets en magasin. Il faut tout faire pour qu’il n’y ait pas de file d’attente interminable ».
Un prêt-à-porter français à bout de souffle
D’autres grands noms du prêt-à-porter, plutôt haut de gamme dans le vestiaire féminin, ont davantage de peine à tirer leur épingle du jeu en ce début du mois de décembre. « C’est encore très calme pour l’instant… trop calme même », souffle Marianne, une vendeuse d’une marque de vêtements française. Au cours de ses journées, la conseillère clientèle se trouve régulièrement nez à nez avec des clientes frustrées autant par la hausse des prix des vêtements que par la baisse de qualité de leur composition.
« C’est vrai que nos prix ont augmenté, donc les clientes viennent en repérage, mais pas plus. Elles ont du mal à se résoudre à acheter. On sent que c’est dur financièrement, qu’il n’y a plus l’envie de mettre le prix… Et dès qu’elles commencent à se pencher sur les étiquettes pour checker la composition des vêtements, là on se prend des réflexions », raconte-t-elle. « Il y a un décalage entre les deux qui les freine complètement ».
Les employés de la boutique concurrente, située juste à côté, ne sont « pas débordés non plus », plaisante Guillaume, alors que ses rayons sont quasi vides en cette mi-décembre. La faute aux ventes privées du Black Friday qui ont eu lieu il y a 15 jours selon lui. « On a fait de gros chiffres à ce moment-là, avec des prix très agressifs jusqu’à 55% de réduction, mais là forcément c’est retombé… C’est logique: on étire tellement ce nouveau temps-forts que les gens font leurs cadeaux à ce moment-là ».
La crise du prêt-à-porter est telle que ces trois dernières années, les équipes n’ont pas été renforcées par des CDD pour Noël comme ça pouvait être le cas avant. On a plus besoin car désormais le flux n’est plus massif, ça n’a plus rien d’ingérable pour le personnel », confie le manager de cette petite boutiquette parisienne.
En effet, un sondage IFOP publié ce mardi 2 décembre révélait que la tendance était aux économies. Près de 8 Français sur 10 (79%) font attention au prix de leurs cadeaux de Noël et tentent de concilier plaisir d’offrir et bonnes affaires, en optant pour des astuces comme le Black Friday (27% de sondés y ont recours), des achats anticipés durant l’année (34%) ou encore la seconde main.
* Les personnes interrogées ont préféré conserver leur anonymat afin de ne pas être identifiables.
Article original publié sur BFMTV.com








