Enseignant au département de psychologie de l’Université Bilkent en Turquie, Kaan Kerman a remarqué un phénomène pour le moins surprenant: si les propriétaires de chiens parviennent généralement à décrypter le comportement de leur compagnon, les propriétaires de chats, eux, sont souvent perplexes face à celui de leur félin.
Dans une étude publiée ce mois-ci dans le journal Ethology et relayée par le New York Times, Kaan Kerman et son équipe ont rapporté que les chats miaulent plus fréquemment lorsqu’ils sont en présence de soigneurs masculins. L’équipe a émis l’hypothèse que les hommes «requièrent des vocalisations plus explicites pour remarquer et répondre aux besoins de leurs chats». En d’autres termes, les chats auraient intégré que les hommes sont moins réceptifs et ajusté leur comportement.
Trente-et-un volontaires ont été invités à porter une caméra discrète et à enregistrer les premières minutes après leur retour à la maison, tout en se comportant le plus naturellement possible auprès de leur animal de compagnie. Les chercheurs ont analysé les 100 premières secondes d’enregistrement, en se concentrant sur le premier chat à approcher le soigneur dans les foyers ayant plusieurs chats.
En tenant compte de toutes les variables possibles –y compris le sexe et l’âge du chat, son pedigree ou encore le nombre de chats dans le foyer– un seul facteur semblait lié à la fréquence des vocalisations: le sexe biologique du soigneur. En moyenne, les chats produisaient 4,3 miaulements (toutes formes de vocalisations confondues) dans la fenêtre de 100 secondes en présence d’hommes, contre 1,8 en présence de femmes. «Les auteurs suggèrent que nous, les hommes, sommes à côté de la plaque, que nous ignorons les chats et qu’ils doivent faire plus de bruit pour attirer notre attention», analyse Jonathan Losos, biologiste de l’évolution à l’Université Washington de Saint-Louis dans le Missouri.
Des facteurs culturels?
«Nous devons être prudents avant d’interpréter cela comme un résultat clair qui va s’appliquer à tous les chats», tempère Mikel Delgado, spécialiste du comportement félin et chercheuse principale à l’Université Purdue de West Lafayette dans l’Indiana. L’étude n’a pas pris en compte d’autres facteurs, comme la durée de l’absence du soigneur, le niveau de faim du chat, ou si le soigneur s’adressait ou non à son animal, une variable qui pourrait aussi influencer la quantité de vocalisations félines.
Le docteur Kerman et ses collègues ont également reconnu que des facteurs culturels ont peut-être influencé ces résultats, car tous les participants vivaient en Turquie. Des recherches récentes ont en effet montré que la communication entre chats et humains variait sensiblement selon les pays. En Turquie, les hommes interagissent généralement moins souvent verbalement, ont indiqué les chercheurs, poussant potentiellement les chats à miauler avec plus d’insistance.
L’équipe a pour dessein de reproduire cette étude dans d’autres régions du monde pour mieux cerner nos compagnons moustachus, car les chats sont «très doués pour dissimuler leurs problèmes», explique Kaan Kerman. Plus les humains comprennent ce que leurs chats tentent d’exprimer, mieux ils peuvent en prendre soin.
Si vous êtes frustrés de ne pas comprendre votre chat, c’est que vous n’êtes tout simplement pas assez attentif. Les chats parlent pour nous faire comprendre leurs besoins, «il suffit de déchiffrer», conclut le docteur Losos.








