Livre. C’est l’histoire d’un « petit prof de fac » qui use de sa liberté d’expression. Le « petit prof », désigné ainsi dans un studio de radio par un sondeur en 2022, est Alain Garrigou, professeur émérite de science politique à l’université de Paris Nanterre et critique des enquêtes d’opinion. Dans Anatomie d’une affaire. Les sondages de l’Elysée (Lefebvre Dalloz, 250 pages, 22 euros), préfacé par le professeur de droit Olivier Beaud, il mesure à la première personne le sort réservé aux critiques de la dérive sondagière, dans un récit à la croisée du droit, de l’analyse politique et de la chronique judiciaire.
A l’été 2009, alors que la Cour des comptes révèle l’existence de dépenses « exorbitantes » de sondages par l’Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, son conseiller Patrick Buisson (mort en 2023) sort de l’ombre en tant qu’intermédiaire qui les facturait cher. Alain Garrigou, qui est aussi cofondateur de l’Observatoire des sondages, s’intéresse à l’affaire et s’exprime dans un entretien à Libération.
« Soit c’est un escroc, dit-il de Patrick Buisson, soit c’est un petit soldat qui constitue un trésor de guerre (…). » Cette phrase lui vaudra un procès en diffamation de la part de l’ancien journaliste de Minute. Le début d’ennuis judiciaires − il fera ensuite l’objet d’une plainte en diffamation de la société de conseil Fiducial pour avoir critiqué un sondage commandé à l’IFOP − dont le professeur sortira blanchi, mais qui éprouveront sa ténacité.
Déconstruction du discours politique
C’est là toute la perversion des « poursuites bâillons » qui usent du droit pour réduire au silence critiques et lanceurs d’alerte. En les racontant de l’intérieur, M. Garrigou fait œuvre utile. Il illustre aussi la lourde injonction au silence qui pèse sur ceux qui remettent en cause un système politique et médiatique accro aux enquêtes d’opinion. Injonction qui lui sera faite, raconte-t-il, jusque dans l’organisme officiel chargé de les contrôler, la Commission des sondages, dans laquelle il siégera cinq ans, avant d’en démissionner en 2023.
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