Des ministres sénégalais ont assuré que leur gouvernement, et non pas l’Union européenne (UE), était l’instigateur de l’arrêt, prévu dimanche 17 novembre au soir, des activités de pêche de bateaux européens dans les eaux nationales.
« Nos amis de l’Union européenne ont organisé une conférence de presse pour dire au monde entier qu’ils ont décidé de ne plus signer les accords de pêche avec le gouvernement du Sénégal. C’est une contre-vérité absolue », a déclaré mercredi soir le ministre de l’enseignement supérieur, Abdourahmane Diouf, selon une vidéo visionnée jeudi sur les réseaux sociaux.
« C’est le gouvernement du Sénégal (…) qui a donné le signal depuis longtemps pour leur dire que nous ne pouvons pas continuer à signer avec [eux] des accords de pêche qui vont appauvrir les pêcheurs du Sénégal », a-t-il dit dans la banlieue de Dakar lors d’un meeting des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) en vue des élections législatives de dimanche.
« Défaillances » dans la lutte contre la pêche illicite
L’Union européenne a annoncé mardi que l’accord de pêche en vigueur depuis 2019 ne serait pas renouvelé et que les bateaux européens cesseraient de pêcher dans les eaux sénégalaises à partir de dimanche minuit. L’UE invoque des « défaillances » constatées depuis plusieurs années de la part du Sénégal dans la lutte contre la pêche illicite.
Cette annonce a eu un écho important au Sénégal, où la pêche est un secteur primordial et en crise. Les quelque 50 000 pêcheurs sénégalais travaillent essentiellement sur des pirogues traditionnelles. Ils dénoncent constamment la concurrence des bateaux usines contrôlés par des étrangers, auxquels ils imputent la raréfaction du poisson.
L’accord prend fin dans un contexte de changement à la tête du pays. Les nouveaux dirigeants ont fait d’une répartition plus équitable des revenus des ressources naturelles au bénéfice des Sénégalais un de leurs mantras. Le président, Bassirou Diomaye Faye, a demandé en mai « l’audit du pavillon sénégalais », caractérisé par son opacité, ainsi que l’évaluation des accords et licences de pêche.
La Commission européenne a adressé fin mai ce qu’elle a présenté comme un « carton jaune » au Sénégal, identifié comme « pays non coopératif » face à la pêche illicite. La ministre des pêches, Fatou Diouf, a dénié à l’UE l’initiative de la fin de l’accord. « L’Etat n’était pas encore dans une logique de négocier », assure-t-elle dans une vidéo sur les réseaux sociaux. « Dès mon arrivée ici, avant même qu’on ait reçu le carton jaune, j’avais commandité une évaluation et, cette évaluation, elle est en cours. On ne peut pas commander une évaluation, attendre les résultats et penser à un accord de pêche », poursuit-elle.
La fin de l’accord concerne dix-huit bateaux espagnols et français, selon l’UE. Le ministère sénégalais avait publié en mai une liste de 151 navires industriels autorisés à pêcher dans les eaux sénégalaises, dont dix-neuf Européens et 132 battant pavillon sénégalais. Différents acteurs dénoncent le fait que de nombreux bateaux enregistrés comme sénégalais sont en fait entre les mains d’étrangers, notamment asiatiques, qui se servent de prête-noms. La liste répertoriait aussi 17 400 pirogues artisanales.