A Melay (Maine-et-Loire), au pied de la croix des martyrs, tout le monde connaît l’Ancien. Avec son auguste assise et ses grands bras décharnés qui défient le ciel, ce vieux châtaignier serait là depuis 500 ans. Jadis, le bocage des Mauges et de Vendée était couvert de ces arbres pourvoyeurs de marrons noirs. Selon la légende, leurs fruits auraient même servi d’aliment de secours aux populations affamées lors des guerres de Vendée.
Quand il a débarqué à Chemillé-en-Anjou, en 2018, Benoît Huntzinger, aujourd’hui âgé de 46 ans, n’était pas au fait de tout cela. Il n’avait même pas repéré les cinq vieux spécimens de châtaigniers qui bordent l’allée cavalière de sa ferme. Ce néorural aux épaules de bûcheron, diplômé de l’école d’agriculture de Beauvais (Oise) en 1999, n’avait jusqu’alors connu que le milieu bancaire. En Bretagne, il montait des plans de financement pour des agriculteurs et des entreprises agroalimentaires. Jusqu’à ce que l’appel de la terre ne les gagne, son épouse Marine et lui.
La ferme des Blottières, tapie dans un écrin de verdure en plein cœur de la campagne bocagère, leur a immédiatement tapé dans l’œil. Elle était déjà en bio depuis trente ans et ses propriétaires écoulaient directement leur viande bovine jusqu’à Paris. Les Huntzinger, férus d’histoire et de patrimoine local, ont juste ajouté des vaches nantaises au troupeau de limousines et importé des brebis de Belle-Ile, une variété menacée de disparition, dans les prairies alentour.
« Des ressources gratuites »
Sur la centaine d’hectares de la ferme, soixante-quinze sont couverts de prairies grasses où paissent paisiblement ces ruminants. Le reste est semé en épeautre, petit et grand, et lentilles que Benoît et Marine Huntzinger commercialisent eux-mêmes sous des formes variées. Le couple a poussé la curiosité plus loin et sollicité le réseau ARBRE (Agriculteurs respectueux de la biodiversité et des richesses de l’environnement) pour établir un diagnostic biodiversité de sa ferme. Le technicien a mis en évidence la présence d’ail des ours et de marrons noirs sur la propriété. Une révélation.
« On veut asseoir le modèle économique sur une production diversifiée qui valorise toutes les richesses mises à notre disposition », expliquent ces « NIMA » (non issus du milieu agricole), pour reprendre un acronyme qui court la campagne. Les premiers 80 kilogrammes de marrons noirs récoltés ont fini en crème, l’ail des ours en pesto. Les clients ont adoré.
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