Des milliers de Sud-Coréens sont attendus dans les rues de Séoul samedi dans un contexte politique de plus en plus chaotique au lendemain d’une tentative infructueuse d’arrêter le président déchu Yoon Suk Yeol, accusé de « rébellion » pour avoir tenté d’imposer la loi martiale début décembre.
Des rassemblements de détracteurs et de partisans sont prévus dans le centre-ville à partir du début d’après-midi, sur la place principale de la capitale et devant le domicile de M. Yoon notamment.
Vendredi, soldats et services de sécurité ont bloqué les enquêteurs venus chez lui pour l’emmener, l’opération lancée tôt le matin ayant été annulée après environ six heures de négociations et de tensions.
Une arrestation de Yoon Suk Yeol serait la première d’un chef de l’Etat en exercice dans l’histoire du pays, l’ex-procureur vedette restant officiellement le président en attendant que la Cour constitutionnelle confirme ou infirme sa destitution, adoptée par les députés le 14 décembre.
Suspendu de ses fonctions depuis, cloîtré chez lui, il est accusé d’avoir fait vaciller la jeune démocratie sud-coréenne le 3 décembre en proclamant par surprise la loi martiale, un coup de force qui a ravivé le douloureux souvenir de la dictature militaire.
Dans un parlement cerné par des soldats, un nombre suffisant de députés avait cependant réussi à se réunir pour voter une motion exigeant la levée de cet état d’exception. Sous la pression de l’Assemblée, de milliers de manifestants et contraint par la Constitution, Yoon Suk Yeol avait dû l’abroger quelques heures après l’avoir déclaré.
L’impopulaire dirigeant déchu, 64 ans, est visé par une enquête pour « rébellion », un crime théoriquement passible de la peine de mort qui ne tombe pas sous l’immunité présidentielle.
Vendredi, les enquêteurs qui centralisent les investigations sur lui, pourtant munis d’un mandat, ont été mis en échec par quelque 200 soldats et gardes présidentiels. Ils sont repartis bredouilles vers 13H30 (04H30 GMT), alors que des centaines de partisans de Yoon s’étaient rassemblés sur les lieux.
« Il y a eu des altercations physiques mineures et majeures » entre les deux camps, a relaté un responsable du Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO).
L’agence a jusqu’à lundi pour exécuter le mandat d’arrêt émis par un tribunal contre M. Yoon afin de le forcer à répondre aux questions sur sa tentative ratée d’imposer la loi martiale.
La délivrance de cet ordre représentait déjà une première pour un président sud-coréen en exercice.
Des responsables du CIO ont évoqué un possible nouvel essai d’ici la date butoir. En cas d’échec, ils devront solliciter un nouveau mandat auprès du même tribunal.
– Procès constitutionnel le 14 janvier –
De son côté, la Cour constitutionnelle a fixé au 14 janvier l’ouverture du procès en destitution contre Yoon Suk Yeol, qui suivra son cours même sans lui. La juridiction doit se prononcer d’ici la mi-juin.
M. Yoon a jusque-là repoussé toutes les convocations en lien avec son coup de force et sa garde a entravé à plusieurs reprises des perquisitions de la police, pourtant sur mandat.
Le président déchu défend toujours sa décision choc du 3 décembre malgré le grave désordre politique qui en a découlé, alors que le premier président intérimaire a aussi été destitué par le Parlement, laissant le siège au numéro 3 du pays, le ministre des Finances Choi Sang-mok.
Dans une lettre distribuée mercredi à ses soutiens les plus radicaux, présents devant sa résidence, M. Yoon a promis de se « battre jusqu’à la toute fin », répétant son discours contre des éléments internes et externes « menaçant » la Corée du Sud qu’il avait déjà tenu en décrétant la loi martiale.
La Corée du Nord, plutôt avare en réactions depuis le début des troubles, a jugé vendredi que sa voisine était plongée dans le « chaos ».
Les Etats-Unis, plus important allié de Séoul, ont pour leur part appelé les responsables politiques à œuvrer à la « stabilité », se disant prêts à répondre en cas de « provocation ou menaces de l’extérieur », a indiqué lors d’un point de presse le porte-parole du Conseil de la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby.
Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, est d’ailleurs attendu lundi en Corée du Sud pour y rencontrer son homologue Cho Tae-yul et « réaffirmer l’alliance inébranlable » entre les deux pays, selon le département d’Etat américain.
cdl-jfx-tmt/jnd