![](https://i0.wp.com/img.lemde.fr/2024/05/28/549/0/3969/2646/1440/960/60/0/30f591b_1716900215108-mel-2018-2019-048-forest.jpg?w=1200&resize=1200,0&ssl=1)
Profusion de bulles, bain d’effervescence à Beaubourg. Jamais la bande dessinée n’avait été célébrée de la sorte par une grande institution culturelle. Cinq expositions en simultané, plus de 1 000 originaux présentés, des débats, des concerts dessinés, des ateliers, des strips créés pour l’occasion publiés sur Instagram… Un an avant sa fermeture pour travaux (2025-2030), le Centre Pompidou, à Paris, a décidé de s’abandonner, jusqu’en novembre, à cette grande oubliée des politiques culturelles.
![« Starwatcher » (1986), de Moebius. Encre de Chine et aquarelle.](https://img.lemde.fr/2024/05/28/0/0/2806/3726/664/0/75/0/2eac6ee_1716900751389-moebius-starwatcher-1986.jpg)
Mauvaise fille de la littérature et des beaux-arts, ses deux matrices, la bande dessinée a longtemps porté en elle le « péché originel » de s’adresser exclusivement aux enfants, comme disait Jean Giraud, alias Moebius. Le retard avec lequel elle finit par muter vers un lectorat adulte, au milieu des années 1960, a repoussé d’autant sa reconnaissance artistique. Un processus de légitimation est en marche depuis quelques années.
Il a vu l’organisation d’expositions monographiques dans des hauts lieux du paysage muséal (Moebius à la Fondation Cartier en 2010, Crumb au Palais de Tokyo en 2012, Hergé au Grand Palais en 2016), l’élection de bédéastes à l’Académie des beaux-arts (Catherine Meurisse en 2020, Emmanuel Guibert en 2023), ou encore la création d’une chaire de bande dessinée au Collège de France (attribuée à Benoît Peeters en 2022).
Il manquait un événement « global », mêlant patrimoine et création contemporaine, dans un temple de la diffusion culturelle. Le voici.
Vaste panorama
Comme son nom l’indique, « La BD à tous les étages » occupe tous les niveaux du Centre Pompidou, du sous-sol au plafond. Les 1 100 mètres carrés de la galerie 2 (niveau 6) ont ainsi été réservés à l’exposition principale, un vaste panorama de l’histoire du médium, de 1964 à nos jours.
![« Rodi 1923 » (Corto Maltese, « La Maison dorée de Samarkand »), d’Hugo Pratt.](https://img.lemde.fr/2024/05/28/0/0/2504/3500/664/0/75/0/ed0dd06_1716901179629-rodi-1987.jpg)
Juste en dessous, au Musée national d’art moderne (niveau 5), des auteurs contemporains (Blutch, Brecht Evens, Edmond Baudoin, Dominique Goblet…) font dialoguer leurs planches avec les chefs-d’œuvre de grands maîtres (Balthus, Paul Klee, Francis Picabia, Mark Rothko…). Une installation immersive et sensorielle est proposée par Marion Fayolle à la Galerie des enfants (niveau 1), et une découverte de la revue d’avant-garde Lagon est présentée au niveau − 1 par le département culture et création.
A la Bibliothèque publique d’information (niveau 2), enfin, c’est Corto Maltese qui est mis à l’honneur, sous l’angle de sa dimension romanesque. A travers son héros ténébreux – et très ambigu, comme on le découvre ici –, Hugo Pratt devient ainsi le dixième auteur de BD, depuis 2003, à occuper le lieu (après Reiser, Willem, Art Spiegelman, Claire Bretécher…), preuve que « Pompidou » examine depuis longtemps la bande dessinée, même si celle-ci, objet livresque par essence, a toujours été confinée à la bibliothèque – à quelques exceptions près. La voir aujourd’hui accéder aux étages supérieurs – voués aux arts dits « majeurs » (peinture, sculpture) – a tout de l’adoubement. De la consécration, diront certains.
Il vous reste 48.19% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.