Il est 16 h 30, un mercredi d’automne, à quelques jours de la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine. Assises sur une chaise haute devant le long zinc ou sur une banquette en cuir bleu nuit, une trentaine de personnes de tous âges bavardent calmement devant un verre de whiskey.
Ce havre de paix dans une Amérique plus divisée que jamais entre démocrates et républicains s’appelle l’Independent Ice Co., lieu cosy à une rue des quais de Portland, dans le Maine. Créé en 2018 par Brian Hanson, un financier de 55 ans passionné de bourbon, l’établissement est le premier de la ville consacré à ce spiritueux et déjà classé neuvième meilleur bar de cette spécialité aux Etats-Unis selon le site Spirits Hunters.
Il faut dire que son offre est impressionnante : il propose 542 références, parmi lesquelles des raretés, comme The Last Drop à 1 000 dollars (920 euros) le verre. Option plus accessible : découvrir quatre références originaires du Maine, soit quatre verres pour 35 dollars (32 euros). De quoi attirer tous les profils de buveurs. « Typiquement, ce sont des couples qui se donnent un date. Ils viennent de Portland, mais aussi du Massachusetts ou de New York, car le bar est réputé », explique le propriétaire. Une population plutôt citadine et pas seulement masculine, loin des clichés véhiculés par cette boisson rustique – laquelle, au cinéma, abreuve les piliers de saloons – historiquement associée au sud des Etats-Unis, et plus particulièrement au Kentucky, qui concentre 95 % de sa production actuelle.
L’Etat du bluegrass (un sous-genre de la musique country) et du fried chicken est donc aussi celui du bourbon, à tel point que l’on pense souvent, à tort, qu’il doit obligatoirement y être produit. On peut en réalité en faire sur tout le territoire.
En 1964, le Congrès américain ayant officiellement déclaré « spécialité des Etats-Unis » ce spiritueux de maïs (il doit en contenir au moins 51 %, le reste étant du blé, du millet ou de l’orge et être vieilli en fût neuf de chêne toasté), il ne peut être fabriqué en dehors du pays. Ce qui n’est pas le cas du rye whiskey (distillé au minimum à base de 51 % de seigle), qui peut, lui, être produit n’importe où dans le monde.
« Presque un acte nationaliste »
Les deux eaux-de-vie de grain n’ont pas le même profil aromatique. Pour schématiser, le bourbon est plus rond et plus ample, se rapprochant du rhum, voire du cognac, tandis que le rye est plus sec et épicé, évoquant certains malts écossais.
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