dimanche, mai 5

Au moment d’affréter moult gros porteurs, mardi 26 mars, pour accompagner la visite d’Emmanuel Macron au Brésil, le pays du bois de braise, on peut s’attendre à voir une vague d’« Amazomania » saisir nos décideurs. Le jour suivant, une fois l’émotion tropicale dissipée, les mêmes se paieront probablement une bonne tranche de bœuf brésilien dans leur assiette parisienne, comme si rien ne s’était passé.

Lire aussi l’entretien avec Stéphen Rostain(2021) | Article réservé à nos abonnés « L’Amazonie, c’est un passé renié, un présent en fumée, un futur hypothéqué »

L’Amazonie, la plus grande forêt tropicale du monde, ne se limite pas au Brésil, contrairement à une idée commune. Ce sont près de 7 millions de kilomètres carrés – presque la superficie de l’Australie – qui s’étendent sur neuf pays, chacun avec ses spécificités. L’Amazonie, ce n’est pas que le Brésil : du côté andin, il y a la Bolivie, le Pérou, l’Equateur et la Colombie. Au bord de l’océan Atlantique, on trouve le Venezuela, le Guyana, le Suriname et la Guyane française. Le Brésil n’est pas seul.

On résume souvent l’Amazonie à de basses considérations économiques, à une funeste ritournelle de déforestation ou à des records de diversité. Une forêt sans histoire, en somme. Mais elle ne se limite pas à sa nature ou à son agriculture, et encore moins à sa destruction. Elle possède également une histoire humaine longue de treize mille ans, avec des développements culturels remarquables que l’on se plaît à ignorer, car seule l’histoire des « vainqueurs » européens est mise en avant dans les anciennes colonies, en dépit de leur indépendance déjà datée.

On trouve pléthore de manuels scolaires reprenant ces « romans nationaux » unilatéraux ; ce faisant, on efface officiellement un passé millénaire ayant animé la grande sylve. La forêt pluviale est en effet vue par beaucoup comme un pur produit de la nature, propice à la sauvagerie et à la dégénérescence des sociétés humaines. Point de haute pyramide ni de basilique édifiée de belles pierres qui pourraient justifier l’honneur d’être admises au panthéon des grandes civilisations. C’est pourtant tout le contraire que les scientifiques ont démontré.

Relation particulière avec l’invisible

Les premiers habitants ont profondément transformé l’Amazonie, que ce soit son couvert végétal, le modelé du sol ou même la nature des sédiments souterrains. Il faut imaginer une Amazonie précolombienne traversée de routes permanentes, de canaux et de fossés entrecroisés, de voies surélevées connectant tertres et monticules, de digues, de bassins et réservoirs, de champs surélevés de tous agencements, formes et dimensions possibles. Les restes archéologiques remarquables sont ainsi légion.

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