Le compositeur et chef d’orchestre finlandais Leif Segerstam est mort, mercredi 9 octobre, à Helsinki, à l’âge de 80 ans. Pluri-instrumentiste et créateur prolifique capable d’écrire neuf symphonies en un mois, celui qui se présentait sur le tard comme le « frère jumeau » du Père Noël (longue chevelure et barbe blanches) et de Johannes Brahms (visage de prophète, corpulence de titan) avait aussi joué un rôle déterminant, en tant que professeur à l’Académie Sibelius de 1997 à 2013, dans la formation de nombreuses références actuelles de la baguette, à l’instar de Susanna Mälkki, ancienne directrice musicale de l’Ensemble intercontemporain. Sollicitée par le Monde pour évoquer ce « professeur analytique et généreux », elle résume ainsi sa personnalité : « Excentrique, oui, mais plus grandes encore étaient ses qualités. »
Leif Segerstam naît le 2 mars 1944 à Vaasa (Finlande). Ses parents, suédophones, sont enseignants. En 1947, sa mère ayant obtenu un poste dans une école de langue suédoise à Helsinki, la famille s’installe dans la capitale finlandaise. Très vite, « Lefa » attire l’attention par ses dons musicaux. En faisant remarquer à son père qu’un disque vinyle ne tourne pas à la bonne vitesse et surtout en apprenant le maniement de tous les cuivres (du cor alto au cornet à pistons en passant par le tuba).
A 8 ans, il intègre le département jeunesse de l’Académie Sibelius d’Helsinki et, trois ans plus tard, assure les fonctions de premier violon solo de l’orchestre junior de l’établissement. A 13 ans, il se produit au piano dans un cabaret pour accompagner… le numéro d’une strip-teaseuse. La polyvalence exceptionnelle de Leif Segerstam apparaît au grand jour en 1962 quand, à quelques semaines d’intervalle, il remporte le prestigieux concours de piano Maj Lind et effectue ses débuts de violoniste en concert.
Performances « habitées »
L’année suivante, diplômé de l’Académie Sibelius (violon, direction d’orchestre), le jeune Finlandais part se perfectionner à la Juilliard School, à New York, dans la classe du chef français Jean Morel (1903-1975) qu’il quitte en 1965 pour se lancer dans le métier. Nommé directeur artistique de l’Opéra royal de Stockholm, en 1968, Leif Segerstam multiplie les engagements. A la fin des années 1970, il cumule les fonctions de chef principal de l’Orchestre symphonique de la Radio autrichienne, à Vienne (de 1975 à 1982) et de l’Orchestre symphonique de la Radio finlandaise, à Helsinki (de 1977 à 1987).
En Allemagne (Philharmonie du Land de Rhénanie-Palatinat, de 1983 à 1989), au Danemark (Orchestre symphonique de la radio nationale, de 1988 à 1995) et dans son pays natal (Orchestre philharmonique d’Helsinki, de 1995 à 2007), le maestro se distingue par ses performances « habitées ». Aux antipodes (tempos étirés, lyrisme exacerbé, dramaturgie monumentale) de celles de l’austère Paavo Berglund (1929-2012), ses interprétations des symphonies de Jean Sibelius (1865-1957) sont comparables à des fleuves d’une puissance extraordinaire.
Il vous reste 26.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.