C’était un bonheur de recevoir un e-mail de Francis Marmande. Le dernier, du 12 décembre, nous reste en travers de la gorge autant qu’il nous fait sourire : « Depuis un an, je torée un cancer (stade 4, métastases à tous les étages) sans perspective rigolote. Fatigue intéressante. » Voilà, c’était lui. Il avait un sacré style – nous y reviendrons –, mêlant concision, fulgurances, humour, légèreté, dérision. Jusqu’au bout de sa nuit. Il savait faire swinguer les mots, convoquer la tauromachie et le jazz, dont il fut un chroniqueur de haut vol dans les pages du Monde, à une époque où ces disciplines étaient fréquentables et conciliables. Il est mort jeudi 25 décembre des suites d’un cancer. Il avait 80 ans.
La nouvelle est rude pour Le Monde, qu’il nommait « le journal », car pour lui il n’y en avait pas d’autre. Rude pour les journalistes du service culture qui ont eu le bonheur de le côtoyer à partir de 1977, de lire et relire ses articles, surnommés, non sans admiration, des « marmanderies ». Quel bonheur, encore, de déguster des palombes rôties avec lui (son plat fétiche), d’étirer la nuit dans les boîtes de jazz parisiennes, de déambuler dans les férias de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) ou de Vic-Fezensac (Gers), de le voir débouler à la rédaction, en plein bouclage, avec son léger accent basque : « Ecoute, j’ai une histoire assez drôle, je pense qu’elle va te plaire. » Elle pouvait durer dix minutes et on était tordus de rire.
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