vendredi, mai 10

Le vote unanime, en première lecture, le 14 mars à l’Assemblée nationale, de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, rédigée par la députée (Horizons et apparentés, Haute-Savoie) Anne-Cécile Violland, a déclenché un concert de louanges. Un hommage aussi sonore que le texte est court et flou. Ses sept articles prévoient des pénalités financières contre la fast fashion, cette mode éphémère à prix cassés, nourrie surtout de produits importés au bilan carbone déplorable. Le texte vise aussi à lui interdire la publicité et instaure un « malus » environnemental renforcé pour rendre ses articles moins attractifs.

Ces mesures sont soutenues à la fois par des associations de défense de l’environnement, opposées à la surproduction et partisanes de la sobriété, et par l’industrie, qui rêve, au contraire, de fabriquer davantage, alors que la crise lamine ses carnets de commandes. Le 4 mars, lors d’une matinée consacrée à la mode durable, le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, avait dit vouloir « démoder la fast fashion », dont l’entreprise chinoise Shein est numéro un.

Présent en France depuis 2013, le site est parvenu à séduire des millions de clients grâce à une offre à très bas prix de vêtements et accessoires, bigarrée, pléthorique. Les vêtements sont produits en Chine, chez plus de 5 000 fabricants. Ils sont promus à outrance, grâce à des recommandations incessantes, générées sur Internet. Chacun des colis est expédié, partout en France, sous quelques semaines, sans droits de douane, ni frais de livraison au-delà de 39 euros.

Shein, le rival de trop

Sur le papier, entraver ce concurrent dont les ventes auraient atteint près de 23 milliards de dollars (21,3 milliards d’euros) en 2022, d’après le Financial Times, donnerait une bouffée d’oxygène pour tous les commerçants qui opèrent en France, pays de la mode. Depuis les années 1990, Etam, Promod, Celio et autres chaînes de distribution tremblent face à la concurrence redoutable de plusieurs géants européens, dont l’espagnol Inditex et son enseigne Zara, le suédois H&M et l’irlandais Primark, champions de la mode pas chère produite en Asie et vendue dans de grandes surfaces. La plupart des chaînes françaises les ont imités, en adoptant des méthodes analogues de fractionnement de collections et, depuis la fin des quotas chinois en 2007, ont fait appel en Chine aux mêmes fournisseurs.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Il faut plus de « mesures ciblées et de moyens à la hauteur de la crise que traverse le secteur de la mode français »

Ce fut parfois insuffisant. Naf-Naf, Kookaï et Pimkie ont réduit la voilure. En dix ans, le secteur a perdu 37 000 emplois. L’hémorragie s’accélère depuis 2022, date de la liquidation judiciaire de Camaïeu, fondée à Roubaix (Nord), bassin historique de l’industrie textile tricolore. L’inflation fait son œuvre : les Français compriment leurs budgets d’habillement et, chez Action et Lidl, se ruent sur lesdites bonnes affaires. Dans ce contexte, la plate-forme Shein, connue pour ses jeans à 15 euros, est considérée par la plupart des enseignes françaises comme le rival de trop, le concurrent déloyal à abattre au plus vite. La proposition de loi bénéficie d’une procédure accélérée. Des décrets d’application attendus à l’automne définiront les modalités d’application dès 2025.

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