Le spécialiste des sols et directeur de recherche à l’Institut de recherche et de développement Jean-Luc Chotte, qui sera présent à Riyad pendant la seizième session de la conférence des parties (COP16) de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, explique que l’Europe est touchée à son tour par la dégradation des terres, sous l’effet du réchauffement climatique et de l’agriculture intensive. L’alimentation doit selon lui être prise en compte comme un élément-clé dans la lutte contre le réchauffement et la désertification.
Les Européens prennent-ils au sérieux la COP16 de Riyad ?
Pendant longtemps, l’Europe ne s’est pas sentie concernée par la désertification, mais les choses bougent. Les Européens prennent conscience que ce qu’ils consomment chaque jour a des incidences sur les terres agricoles et le climat, à des milliers de kilomètres. Et ils sont en train de découvrir que les sols se dégradent aussi chez eux. La pandémie de Covid-19 y est pour quelque chose, car l’une des hypothèses de son origine renvoie à la déforestation, l’un des facteurs aggravants de la désertification, et à la propagation plus facile des virus de l’animal à l’homme que celle-ci occasionne et qui affecte la planète, dans des zones très éloignées de l’origine du virus.
Quelle est l’origine de la dégradation des sols ?
L’aridité progresse à cause du changement climatique. Le tout dernier rapport des experts auprès de la convention sur la désertification montre que les zones arides vont s’étendre sur tous les continents, y compris en Europe. La dégradation des sols est également due à l’agriculture intensive, qui appauvrit la biologie et la chimie des terres, et finit par les éroder. On le voit en Espagne et en Italie, où grâce à un début de mobilisation des solutions commencent à être mises en œuvre pour tenter d’enrayer le phénomène, avec la promotion de pratiques agricoles ayant un usage raisonné des ressources, en évitant de dénuder les sols pour favoriser l’humus et contenir ainsi l’humidité dans la terre, en permettant la reminéralisation naturelle des sols et le développement des insectes bénéfiques aux cultures.
Quels messages la France peut-elle porter ?
Notre pays a pour originalité d’avoir créé, dès 1997, un comité scientifique sur la désertification qui vise à mettre en place une sorte de « GIEC national » pour lutter contre la désertification, en tenant compte des dernières connaissances scientifiques. Nous allons le redire à Riyad : le suivi des données disponibles est fondamental. De même, nous allons insister sur la nécessaire restauration des sols. En 2015, la France s’est distinguée en lançant, dans le cadre de la COP21 de Paris sur le climat, l’initiative « 4 pour 1 000 ». L’objectif est d’augmenter de 4 ‰ par an la quantité de carbone stocké dans les 30 à 40 premiers centimètres du sol, afin de réduire l’augmentation de la teneur en dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Cela suppose d’engager les agriculteurs de la planète entière vers des pratiques à la fois productives et résilientes, fondées sur une gestion adaptée des sols.
Il vous reste 42.69% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.