CANAL+ – VENDREDI 19 AVRIL À 21 H 10 – FILM
Le vingt-septième long-métrage de Martin Scorsese retrace de l’histoire américaine l’un des plus effarants tableaux. Cette adaptation d’une enquête du journaliste David Grann (La Note américaine, Globe, 2018) est de facture classique, au sens noble du terme, sûre de ses forces et qui ne va pas sans visée édificatrice. Il s’agit de mettre au jour un massacre enseveli par l’histoire : celui de la tribu amérindienne des Osage par des spoliateurs blancs, au cours des années 1920.
A la fin du XIXe siècle, la découverte de gisements de pétrole en territoire osage, dans l’Oklahoma, a immédiatement attiré une faune d’opportunistes de tout poil, d’affairistes bien sous tous rapports, ulcérés par ces Indiens dont l’opulence serait comme un affront fait à l’ordre naturel. Comprendre : le leur, celui des Blancs. Les morts violentes se sont accumulées du côté des Osage, dans des proportions telles qu’elles finirent par justifier l’intervention d’une police fédérale en période de rodage, le futur FBI, sous le pilotage de John Edgar Hoover.
Au lendemain de la première guerre mondiale, Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio), vétéran désœuvré, débarque à Gray Horse, l’une de ces villes-champignons qui ont poussé dans les plaines pétrolifères, pour y rejoindre son oncle William Hale (Robert De Niro), important éleveur local surnommé « King ». Ce protecteur autoproclamé des Amérindiens orchestre en sous-main une sordide captation d’héritages en mariant ses fils et neveux à des demoiselles osage, ensuite éliminées à petit feu.
Dense épaisseur romanesque
Ainsi pousse-t-il Ernest dans les bras de Mollie Kyle (Lily Gladstone), jeune héritière diabétique frappée par des deuils en série, voyant ses proches tomber un à un dans une hécatombe silencieuse. Tel le grain de sable, un curieux détail vient gripper cette machine de mort diaboliquement rodée : Ernest tombe vraiment amoureux de Mollie, il croit sincèrement à la fiction du foyer fondé avec elle, et gêne les plans de son oncle, quand bien même il continue d’en exécuter les ordres.
Dans cette trame d’une dense épaisseur romanesque, Scorsese orchestre le face-à-face réitéré entre maître et disciple, entre ses deux monstres sacrés qui rivalisent de trognes satiriques pour croquer toute l’ordure de leurs caractères. Chargeant l’imbécillité de son personnage, DiCaprio nous prive parfois de comprendre l’amour que Mollie lui porte.
C’est sur les épaules de cette splendide figure féminine, incarnée par Lily Gladstone sans une once de maniérisme, que repose Killers of the Flower Moon, dénichant dans son regard silencieux et mélancolique le révélateur des terribles exactions dont l’histoire reste muette.
Killers of the Flower Moon, de Martin Scorsese. Avec Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Lily Gladstone, Jesse Plemons, Brendan Fraser (EU, 2023, 206 min).