Première femme à diriger le Bangladesh, Khaleda Zia, est morte, mardi 30 décembre, à l’âge de 80 ans, a annoncé sa formation politique, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP). « La présidente du BNP et ancienne première ministre, la dirigeante nationale Khaleda Zia, est décédée aujourd’hui à 6 heures du matin [1 heure à Paris], juste après la prière de Fajr », a déclaré, dans un communiqué, le mouvement qu’elle dirigeait depuis 1984. Incontournable figure de la vie politique du Bangladesh pendant quarante ans, elle a été trois fois première ministre : de 1991 à 1996, puis trois mois en 1996 et enfin de 2001 à 2006.
Malgré sa santé déclinante, Khaleda Zia avait annoncé qu’elle mènerait la campagne du BNP pour les élections législatives prévues début février 2026, et qu’elle briguerait encore une fois un siège au Parlement.
Après dix-sept ans d’exil volontaire au Royaume-Uni, son fils, Tarique Rahman, président par intérim du BNP, est rentré au Bangladesh le 25 décembre pour mener campagne pour leur parti. Il est pressenti candidat au poste de premier ministre en cas de victoire du BNP. Le journal bangladais Prothom Alo a rapporté que M. Rahman était présent au chevet de sa mère, avec d’autres membres de sa famille.
Gravement malade, Khaleda Zia avait été admise fin novembre dans le service de soins intensifs d’un établissement privé de la capitale, Dacca, pour une infection pulmonaire. Plusieurs personnalités bangladaises de haut rang, comme le chef du gouvernement provisoire et Prix Nobel de la paix (2006) Muhammad Yunus, ou encore le chef de l’armée, s’étaient rendus à son chevet. « C’est une perte irréparable pour la nation », a regretté, devant la presse, Ruhul Kabir Rizvi, un cadre du BNP, la voix tremblante. « Son leadership inflexible a plusieurs fois libéré la nation de conditions antidémocratiques et inspiré le peuple à viser la liberté », a salué Muhammad Yunus, dans un communiqué.
Première ministre à 45 ans
La santé de cette femme politique s’est fragilisée depuis son incarcération en 2018, sous le règne de sa grande rivale Sheikh Hasina (2009-2024), pour des accusations de corruption.
Visage pâle, le regard caché derrière d’énormes lunettes, Khaleda Zia avait 45 ans lorsque, le 20 mars 1991, elle est devenue première ministre. Huit ans plus tôt, elle avait été propulsée à la tête du BNP par l’assassinat de son mari, le président Ziaur Rahman, lors du coup d’Etat militaire de 1981. En dépit des critiques raillant son inexpérience, elle avait pris le contrôle de l’opposition et avait forcé le respect de tous par sa détermination.
Un temps, Khaleda Zia fera cause commune avec Sheikh Hasina, la fille du fondateur du Bangladesh indépendant, Sheikh Mujibur Rahman, assassiné lors d’un autre putsch de l’armée en 1975. Son mari, Ziaur Rahman, était à l’époque chef d’état-major adjoint et avait pris les rênes du pays trois mois plus tard, rétablissant la démocratie à partir de 1978.
Mettant un terme à un nouvel épisode dictatorial consécutif à son assassinat, les deux femmes poussent ensemble le dirigeant Hussain Muhammad Ershad à la démission en 1990, portées par une vague de protestations et de grèves, et parviennent à restaurer la démocratie.
Rivalité féroce
Mais lors du scrutin de 1991, leur alliance vire à la rivalité féroce. Victorieuse, Mme Zia dirige le pays jusqu’en 1996 et la victoire de Mme Hasina. En 2001, elle revient au pouvoir avec l’appui de son fils. Mais la rivalité qui l’oppose à Sheikh Hasina dégénère et une crise politique incite l’armée, en janvier 2007, à déclarer l’état d’urgence et à imposer un gouvernement intérimaire. Les deux femmes sont emprisonnées toutes les deux pendant plus d’un an. Mais en décembre 2008, c’est Sheikh Hasina qui remporte haut la main les élections et redevient première ministre.
Leur lutte continue de plus belle jusqu’au scrutin de 2014 que Khaleda Zia et son parti décident de boycotter. La campagne électorale est émaillée de nombreuses violences qui donnent le coup d’envoi d’une répression féroce contre son camp. Bientôt, la cheffe de l’opposition est inculpée de corruption. En février 2018, alors que sa santé décline, elle est condamnée une première fois à cinq ans de détention et écrouée dans une prison spéciale dont elle est l’unique détenue. Sa peine est doublée six mois plus tard, ce qui l’empêche de se présenter aux législatives de décembre 2018, raflées sans surprise par Sheikh Hasina.
Khaleda Zia dénonce alors des accusations mensongères destinées « à l’écarter » de la vie politique et à « l’isoler de son peuple ». Une « vengeance politique », disent ses partisans.
Exilé depuis 2008 à Londres, son fils et héritier politique Tarique Rahman est lui aussi condamné par contumace à dix ans de prison dans cette affaire. Son plus jeune fils, exilé en Malaisie, Arafat Rahman, meurt lui en 2015 d’une crise cardiaque.
Son parti favori des élections
Malade, contrainte de se déplacer en fauteuil roulant, Khaleda Zia est autorisée à quitter sa prison en 2020 et continue à purger sa peine assignée à résidence. Elle recouvre la liberté à la chute de sa rivale, en 2024. Après un séjour médical en Europe, elle revient dans son pays en mai 2025. Elle apparaît dans quelques occasions officielles mais ne prend plus la parole.
Son parti, le BNP, est largement considéré comme le favori des élections de février prochain, les premières depuis le soulèvement populaire de l’été 2024 qui a fait chuter Mme Hasina après quinze années autoritaires au pouvoir.
Le scrutin est attendu avec impatience dans ce pays de 170 millions d’habitants à très large majorité musulmane. La période est trouble pour le Bangladesh, où les tensions politiques n’ont pas faibli depuis la mobilisation de 2024.
En décembre de cette année, l’assassinat par des hommes masqués à Dacca du candidat aux élections législatives et critique virulent de l’Inde Sharif Osman Hadi a déclenché des manifestations dans la capitale, au cours desquelles plusieurs bâtiments ont été incendiés, dont ceux de deux grands journaux considérés comme favorables à New Delhi. Le défunt était une figure du soulèvement de l’été 2024.













