Marine Le Pen ne fait même plus mine de concurrencer son dauphin au jeu de l’applaudimètre. « Oui, cet automne est le moment [Jordan] Bardella. Mais j’ai l’impression que c’est toujours le moment Bardella », souriait la cheffe de file des députés Rassemblement national (RN), mardi 12 novembre, dans un salon cossu à Paris, où le président du RN organisait la soirée de lancement de son livre. Drôle de contraste pour la députée du Pas-de-Calais. A la veille du réquisitoire du parquet dans le procès qui la menace d’inéligibilité, elle assistait en spectatrice à la célébration de son poulain, au milieu d’une bonne partie des députés du RN et de nombreuses têtes du Groupe Canal+, invité en famille – propriété, comme Fayard, l’éditeur de l’ouvrage, du milliardaire conservateur Vincent Bolloré.
Marine Le Pen a beau répéter que la popularité de Jordan Bardella servirait sa quatrième ambition présidentielle, l’actualité met plus que jamais leur hiérarchie à l’épreuve. Entre elle et lui, promis, point de rivalité. Encore moins de trahison. « Nous ne sommes pas comme les autres », répète partout Jordan Bardella. Pour preuve de loyauté réciproque, les deux leaders d’extrême droite ont scellé sur le papier leurs destins dès septembre 2023 : Marine Le Pen visera l’Elysée en 2027, Jordan Bardella Matignon. Un dessein immuable ? La question a trop de fois été posée pour que l’un d’eux ne bute sur la réponse. Marine Le Pen balaie les doutes d’une inlassable pirouette : « On ne sait jamais, je peux toujours me faire faucher par un camion. »
Jordan Bardella, lui, est désormais moins ironique. A Pascal Praud, qui lui demandait, mardi matin, sur CNews, « qui est la bonne personne » pour faire triompher son « camp », l’eurodéputé a répliqué que « ça, c’est les circonstances qui le déterminent ». Plus forcément Marine Le Pen, donc. Jordan Bardella prenant soin ensuite de ne pas démentir le journaliste qui, par deux fois, lui rapportait que, « pour certains, le nom “Le Pen” interdit l’Elysée ».
Maintenir la verticalité
Il en faudrait moins pour suspecter l’apprenti auteur de viser plus haut, et plus vite, qu’aspirant premier ministre de son aînée. Elle-même ne s’offusque plus, publiquement, d’une sortie qui jadis aurait valu remontrance. « Il a raison. Je suis aujourd’hui la candidate naturelle de mon camp, mais un parcours de présidentiable requiert plusieurs éléments, dont l’envie et la capacité de l’être. Et je sais comme la vie politique peut vous glisser des peaux de banane », développe Marine Le Pen. La présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale envisage ouvertement la perspective d’une possible condamnation dans l’affaire des assistants parlementaires européens. « Moi qui ne crois pas en la justice, je lui ai dit qu’elle serait condamnée », confirme Philippe Olivier, son proche conseiller, qui s’y « prépare ». Et ne repousse aucune hypothèse, candidature prématurée de Jordan Bardella comprise.
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