Un autre homme. Un sosie revigoré. On ne pouvait être qu’interdit en observant Joe Biden, vendredi 28 juin, s’exprimer devant des militants survoltés à Raleigh (Caroline du Nord). « Je sais que je ne suis pas un homme jeune, c’est une évidence… » Des clameurs l’interrompent. « Je ne marche pas aussi facilement qu’avant. Je ne parle pas aussi aisément qu’avant. Je ne débats pas aussi bien qu’avant. Mais je sais ce que je sais. Je sais comment dire la vérité. Je sais distinguer le bien et le mal. Je sais comment accomplir ce travail. »
Des mots prononcés d’une voix enfin dégagée et ferme, mais avec seize heures de retard. Des mots absents au moment décisif, la veille, lors du débat télévisé accablant contre Donald Trump. Vendredi, Joe Biden n’avait pas besoin de solliciter sa mémoire, de se concentrer sur les mensonges de son rival, de développer un argumentaire de tête. Il lisait, s’animant grâce à la chaleur du public. Au moment de descendre de l’estrade, le président était accompagné par une chanson de Tom Petty, I Won’t Back Down. Je ne reculerai pas.
Cette séquence était réussie mais son impact demeure très limité, alors que près de 50 millions d’Américains avaient regardé le débat, la veille. Elle visait à étouffer le doute ravageur qui s’est propagé parmi les experts et dans l’appareil démocrate, depuis jeudi soir, au sujet de la capacité physique et cognitive de Joe Biden à être candidat. La riposte s’organisait sans grande intensité. Les cadres du parti demeuraient mutiques en public, eux-mêmes suspendus à la décision de Joe Biden. Les conseillers, eux, assuraient que les électeurs indépendants, au rôle décisif, seraient très froissés par la performance de Donald Trump et ses mensonges à répétition.
La peur du gouffre
Puis dans l’après-midi, c’est Barack Obama, sur X, qui donnait la ligne de défense. « Les mauvais soirs de débat, ça arrive. Faites-moi confiance, je le sais. Mais cette élection reste un choix entre quelqu’un qui s’est battu toute sa vie pour les gens ordinaires et quelqu’un préoccupé seulement par lui-même. » La thèse du mauvais soir paraît décalée et même choquante après le naufrage vécu jeudi par le président. Elle témoigne surtout de la peur du gouffre sous les pieds démocrates, en cas de renoncement de Joe Biden : quelle alternative en si peu de temps, quid des donateurs, comment préserver l’unité du parti avant la convention de Chicago en août ? Ces questions sont complexes mais les solutions existent. Le statu quo, lui, représente un pari monumental, une façon de jouer l’avenir du pays à la roulette, dans un mélange de déni et de vanité.
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