La première fois que mon téléphone a sonné au milieu de la nuit pour une prise de décision, c’était à la fois responsabilisant et vertigineux. Cela devait faire quatre jours que j’étais affectée en tant que commissaire de police au Havre, avec entre 350 et 400 fonctionnaires sous mes ordres. Fraîchement sortie de l’Ecole nationale supérieure de police de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône), c’était mon tout premier poste.
Il était trois heures du matin, j’avais 25 ans et des gens venaient d’appeler pour une dispute qu’ils entendaient très fort depuis chez eux. Le foyer en question était constitué d’un couple d’environ 35-40 ans, avec deux enfants, déjà connu de nos services pour des problèmes de violence conjugale. On savait aussi qu’une arme était présente dans le domicile, le père étant réputé être chasseur.
Deux brigades s’étaient rendues sur place. Au moment de sonner, comme souvent, cela ne répond plus. Mais il fait nuit et on n’est pas censé entrer chez les gens pour n’importe quel motif. C’est là qu’on m’a appelée, pour que je donne le feu vert du départ. Bien sûr, on se pose mille questions, mais vu le contexte j’ai donné pour instruction à mes équipes qu’elles entrent.
Résultat : une femme et des enfants enfermés dans la salle de bains, un mari complètement ivre qui hurle, un fusil de chasse posé en évidence sur la table du salon. Pas de doute, donc, sur le fait qu’il fallait y aller. Souvent, pour moi c’est après coup que vient l’effet de vertige, je ne suis pas Catwoman. Je n’ai d’ailleurs jamais eu de fantasme autour du métier, je n’ai pas rêvé de faire ça quand j’étais petite.
« Elevée dans un respect pour les institutions »
Dans mon environnement familial, il n’y a ni policier, ni gendarme, ni militaire. Je n’ai pas reçu d’éducation particulière autour des métiers de la sécurité, même si, il faut le dire, je n’ai pas non plus évolué dans une famille très à gauche. J’ai plutôt été élevée dans un respect pour les institutions qui font appliquer et respecter la loi. Il a fallu faire un peu de pédagogie mais personne n’a été choqué par mon choix !
Au lycée, à Rambouillet (Yvelines), j’étais une élève moyenne. Ça peut paraître étonnant mais j’ai fait un bac littéraire, option théâtre. J’adorais lire, je faisais pas mal d’activités artistiques, beaucoup de danse, du chant, etc. Avec le recul, je me dis que ça m’a quand même été utile de jouer la saltimbanque !
Le théâtre m’a donné des clés pour la prise de parole en public : ça me rend bien service quand il faut s’exprimer devant 150 agents pour un briefing opérationnel… J’ai moins d’appréhension dans des exercices auxquels on est régulièrement confrontés : lorsqu’un ministre vient, mieux vaut éviter de piquer un fard.
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