C’était au mois de décembre, un vendredi 13. Signe de fortune pour les uns, ou de malheur pour les autres. Quoi qu’il en soit, c’est en ce jour de l’année 2024 que François Bayrou est nommé à Matignon dans des conditions rocambolesques. Après l’échec de Michel Barnier sur le budget de la Sécu, le Palois pose ses valises rue de Varenne. La crise politique née de la dissolution ratée prononcée par Emmanuel Macron se réinvite dans le quotidien des Français.
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Et la nomination douloureuse de ce proche du chef de l’État ne va rien arranger. Comme Le HuffPost l’a précédemment relaté, le chemin de croix ne fait que commencer pour le président du MoDem, qui démarre son bail à Matignon en multipliant les faux pas et les polémiques. Le 7 janvier, la mort de Jean-Marie Le Pen marque un tournant historique, et déstabilise une classe politique mal à l’aise avec la mémoire laissée par le « diable de la République ».
Une disparition qui ne parvient toutefois à éclipser la brûlante question budgétaire, laissée en suspens durant les fêtes, avec une loi spéciale dégainée in extremis pour permettre à l’État de lever l’impôt. François Bayrou assure qu’il a retenu les leçons de l’échec de Michel Barnier, accusé de ne pas avoir considéré les socialistes. C’est donc vers le parti d’Olivier Faure qu’il se tourne pour arracher un accord de non-censure. Car, toujours dépourvu de majorité à l’Assemblée nationale, le Premier ministre n’a d’autre choix que de recourir à l’article 49-3.
Le séisme Bétharram
Mission réussie, dans un premier temps, pour le chef du gouvernement, qui s’en sort en promettant au PS un « conclave » sur les retraites (lequel terminera en eau de boudin quelques mois plus tard). Le 5 février, il échappe à deux motions de censure, et réussit donc à doter la France d’un budget, même s’il s’agit en grande partie de celui préparé par son prédécesseur. Le maire de Pau respire. Mais pas très longtemps.
Quelques jours plus tard éclate le scandale de Bétharram, du nom de cet établissement privé catholique dont il est très proche. En cause, des violences physiques et sexuelles commises durant des années au sein de cette institution béarnaise. Mis personnellement en cause, François Bayrou s’enfonce dans une communication chaotique et contradictoire. L’affaire, qui agit comme un poison lent tout au long de son passage à Matignon, suscite le doute chez ses propres troupes et débouche sur le lancement d’une commission d’enquête parlementaire qui le fragilise d’avantage.
La foudre s’abat sur Marine Le Pen
Alors que cette tempête politique secoue le Béarnais, la foudre va finalement s’abattre sur l’extrême droite de l’échiquier politique. Lundi 31 mars, dans l’affaire des assistants parlementaires européens du FN, le tribunal correctionnel condamne Marine Le Pen à quatre ans de prison dont deux ferme (aménagés sous bracelet électronique), 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate. Traduction : la cheffe de file du RN se retrouve dans l’incapacité de se présenter à la présidentielle de 2027. Le parti d’extrême droite éructe et dénonce une « justice politique » voulant museler le peuple.
La décision ébranle aussi une partie de la classe politique, à l’image de François Bayrou qui se dit « troublé » par la peine infligée à celle qui est reconnue coupable de détournement de fonds publics. Le malaise gagne le gouvernement, désormais abonné à la cacophonie sur le moindre sujet. L’impression d’un exécutif nommé dans l’unique but de tenir s’installe durablement. Les Français ne s’y trompent pas : François Bayrou bat des records d’impopularité. Acculé et affaibli comme jamais, il tente au cœur de l’été un coup de poker plus que hasardeux : demander un vote de confiance sur un projet de budget particulièrement drastique qui promet, entre autres, la suppression de deux jours fériés.
Un double échec. Son projet fait non seulement l’unanimité contre lui, en réveillant l’intersyndicale et ressuscitant le spectre d’une mobilisation proche des gilets jaunes, mais il va de surcroît se vautrer lamentablement au Palais Bourbon. Lundi 8 septembre, François Bayrou échoue à obtenir la confiance de l’Assemblée nationale : 364 députés ont voté contre sur les 573 prenant part au vote. L’instabilité revient. Le chef de l’État, au cœur de la crise politique qu’il a provoquée, voit les appels à la démission se multiplier. Même son ex-Premier ministre, Édouard Philippe, s’y met.
Le « sketch » Lecornu
Les Français assistent, affligés, au même spectacle : Emmanuel Macron tergiverse, la gauche réclame le gouvernement, et c’est une personnalité dans la ligne du chef de l’État qui est finalement choisie. Cette fois : Sébastien Lecornu, un fidèle parmi les fidèles, qui se lance dans de longues tractations avant de composer son gouvernement. En attendant de trouver son casting, l’institution judiciaire va rappeler, une nouvelle fois, à ce petit monde que nul n’est au-dessus des lois en République.
Jeudi 25 septembre, Nicolas Sarkozy est condamné à cinq ans de prison ferme avec mandat de dépôt, assorti d’une exécution provisoire, pour association de malfaiteurs dans la tentaculaire affaire du financement libyen. Oui, un ancien président de la République va bien être conduit en prison. De quoi réveiller les habituels détracteurs de la justice imaginant des complots judiciaires. Mais les turpitudes gouvernementales reprennent rapidement le dessus.
Dimanche 5 octobre, Sébastien Lecornu nomme un gouvernement, très largement composé de macronistes. Pourtant reconduit à Beauvau, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sabote publiquement ce casting, en raison de la présence de Bruno Le Marie aux Armées. En conséquence de ce coup de sang, Sébastien Lecornu démissionne dès le lendemain, offrant au pays le record du gouvernement le plus éphémère de l’histoire et le retour d’une possible dissolution. Mais cinq jours plus tard, le voilà renommé à Matignon par Emmanuel Macron. Les oppositions déplorent le « sketch » joué au plus haut niveau de l’État.
Mais l’Eurois a de la ressource. Immédiatement, il se tourne (pour de bon) vers les socialistes, qui revendiquaient (encore) le pouvoir. Il lâche beaucoup pour obtenir leur clémence : abandon du 49-3, suspension de la réforme des retraites, renoncement à plusieurs mesures urticantes du budget Bayrou… La marche du budget s’annonce très haute, mais il réussit à manœuvrer, en refilant aux députés la charge de trouver des compromis. Le 9 décembre, il arrive à obtenir un vote positif sur le budget de la Sécu. Une vraie victoire, mais qui ne parvient à masquer la réalité : impossible dans ce contexte de réussir sur le budget de l’État, tant les divergences sont grandes entre députés et sénateurs.
En quelques minutes seulement, la Commission mixte paritaire convoquée le 19 décembre acte son échec. Comme l’année précédente, les Français n’ont pas de budget sous le sapin. Et Sébastien Lecornu se résout, comme François Bayrou avant lui, à procéder via une loi spéciale particulièrement coûteuse. La veille de Noël, le Premier Ministre sonne (encore) l’alarme depuis Matignon, alors que la colère agricole est venue (encore) pimenter cette fin d’année. C’est donc sans budget, sans majorité et accablé d’une impopularité monstre que le chef de l’État va s’adresser à la nation pour les traditionnels vœux. La situation politique est toujours aussi chaotique et ses marges de manœuvre toujours aussi faibles. Pour preuve : Emmanuel Macron avait promis un référendum pour l’année 2025. À quelques heures de passer en 2026, les Français l’attendent encore. Tout un symbole.
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