CINÉ+ FAMILY – MERCREDI 1er JANVIER À 20 H 50 – FILM
Martin Scorsese arrive à un âge où l’on a parfois envie de rendre au monde un peu de ce qu’il nous a donné. L’action qu’il mène par le biais de sa World Cinema Foundation, restaurant des dizaines de films du patrimoine mondial, en est sans doute une manifestation. Hugo Cabret, aussi.
Ce film d’aventure rocambolesque se déroule dans le décor reconstitué de la gare Montparnasse, où, dans les années 1920, Georges Méliès, retraité du cinéma, a rejoint la foule des anonymes. Quelques années plus tôt, ruiné, il avait brûlé toutes les copies qui lui restaient de ses films.
A travers une trépidante enquête menée par deux enfants orphelins, Hugo et Isabelle, Scorsese cherche à comprendre le mystère de ce geste fou, tout en rendant un splendide hommage à ce cinéaste magicien, inventeur de l’illusion cinématographique. Au cours de leurs pérégrinations, les enfants découvrent non seulement les films de Méliès, mais permettent à leur auteur (Ben Kingsley, parfait en vieille statue de cire indéridable), qui les croyait détruits à jamais, de les voir à nouveau projetés devant une salle pleine à craquer.
Passion brûlante
Hugo Cabret aurait pu n’être qu’une sorte de catéchisme de la cinéphilie, si celle-ci n’était pas chez Scorsese une passion si brûlante. La sincérité de son élan est ce qui rend son film si émouvant. Sa beauté tient à la manière, généreuse et naïve, dont le cinéaste new-yorkais s’empare de la 3D. Elle donne aux dessins de Méliès volant dans l’espace, fraîchement libérés du tiroir où ils dormaient depuis des années, une qualité infiniment précieuse, magique. Elle permet de représenter, par une nouvelle sorte d’illusion, l’impression ressentie par les spectateurs des premiers films de cinéma.
Ainsi la mise en scène d’une projection publique du film des frères Lumière L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat (1896) donne l’impression que le train va sortir de l’écran et continuer de rouler sur les spectateurs. Comme renvoyé en enfance, Scorsese s’en donne à cœur joie, repoussant les limites du cadre, du scénario, jouant l’ellipse parfois jusqu’à l’abstraction. Au risque d’être indigeste, il tente de fondre dans un seul film tout ce qui a fait, à l’origine, la magie du cinéma.
Métaphore audacieuse
Hugo Cabret est un film fantastique : la grande affaire qui anime le héros (Asa Butterfield) est de refaire marcher un automate cassé, le seul objet qui lui reste de son père disparu. Hugo Cabret est aussi un film d’aventure : libre d’esprit et de ses mouvements, Isabelle (Chloe Grace Moretz) a été recueillie à la mort de ses parents par Georges Méliès lui-même, qui ne lui a interdit qu’une chose : aller au cinéma.
Hugo Cabret, enfin, et ce n’est pas la dimension la moins surprenante, est un film burlesque. Du moins une trame du film l’est-elle, la plus noire, métaphore audacieuse car complètement grotesque du fascisme galopant de l’époque, et de la déportation à venir des juifs.
Le privilège du cinéma étant d’offrir des happy ends, comme le dit Georges Méliès à la fin du film, Hugo Cabret est le plus beau conte de Noël qui ait été donné à voir depuis La vie est belle (1946), de Frank Capra.
Hugo Cabret, de Martin Scorsese, avec Ben Kingsley, Sacha Baron Cohen, Asa Butterfield, Chloe Moretz (EU, 2011, 128 min).