MATIGNON – « Ma mission est terminée », avait-il affirmé mercredi soir. Cela faisait déjà deux jours qu’il avait démissionné avec son gouvernement une nuit seulement après la nomination de celui-ci. Mais 48 heures plus tard, Sébastien Lecornu a accepté « par devoir » ce vendredi 10 octobre d’être renommé par Emmanuel Macron à l’issue d’une nouvelle journée rocambolesque.
Il redevient donc un Premier ministre en sursis affublé d’une mission impossible édictée à l’Élysée après la réunion avec les chefs de partis : « construire une plateforme programmatique » avec les alliés potentiels pour tracer « le chemin pour tisser des compromis et éviter la dissolution ». Au travail dès la nuit dernière, il a déjà une semaine semée d’obstacles qui l’attend.
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Un gouvernement avant dimanche soir
Le week-end passé, déjà, Sébastien Lecornu a passé deux jours à finaliser la composition de son gouvernement. Mais annoncé dimanche peu avant 20 heures, il avait aussitôt provoqué la colère des Républicains et entraîné sa démission lundi matin. « Trop macroniste », avait dit la droite à l’origine de cette implosion.
Cette fois, l’Élysée dit laisser « carte blanche » au Premier ministre dans la composition de l’équipe. « Celles et ceux qui entreront au gouvernement devront s’engager à se déconnecter des ambitions présidentielles pour 2027. La nouvelle équipe gouvernementale devra incarner le renouvellement et la diversité des compétences », a déclaré le futur chef de cette équipe aussitôt sa nomination annoncée.
Une certitude, il n’y aura aucun représentant de gauche ; Les Républicains et Horizons (le parti d’Édouard Philippe) laissent planer le doute sur leur participation à ce gouvernement qui pourrait être composée de profils dits « techniques » c’est-à-dire non membres de partis politiques.
LUDOVIC MARIN / AFP Emmanuel Macron assure avoir donné « carte blanche » à Sébastien Lecornu pour composer son gouvernement et avancer au Parlement.
Le budget au premier Conseil des ministres
C’est l’une des raisons qui nécessitait la nomination rapide d’un Premier ministre : un Conseil des ministres doit se tenir lundi 13 octobre pour adopter un projet de budget afin que celui-ci soit déposé dans les délais au Parlement pour avoir une chance d’être adopté d’ici à la fin de l’année. Mais cette copie, déjà adressée au Haut conseil des finances publiques, ne sera en réalité qu’un brouillon puisqu’il s’agit d’un budget qui reprend, à ce stade, en grande partie les pistes évoquées par François Bayrou avant qu’il ne quitte Matignon.
Sébastien Lecornu s’est déjà engagé à ne pas recourir au 49-3 pour le faire adopter ce qui laisse, en théorie, de la place aux oppositions pour faire leurs propositions. « Tous les dossiers évoqués pendant les consultations menées ces derniers jours seront ouverts au débat parlementaire : les députés et sénateurs pourront assumer leur responsabilité, et les débats devront aller jusqu’au bout », a lancé le Premier ministre en accompagnant tout de même ce message d’une mise en garde : « Le rétablissement de nos comptes publics demeure une priorité pour notre avenir et notre souveraineté : personne ne pourra se soustraire à cette nécessité ».
À l’Assemblée mardi
Formalité qu’il n’avait même pas eu le temps d’accomplir avec son premier gouvernement, le baptême du feu devant les députés pour un discours de politique générale va arriver très vite, peut-être même dès ce mardi 14 octobre. Sébastien Lecornu aura alors l’occasion d’exposer les urgences qu’il a à traiter (budget et Nouvelle-Calédonie) et surtout la manière avec laquelle il compte le faire, lui qui s’était engagé lors de sa passation de pouvoirs avec François Bayrou à « une rupture dans le fond et dans la forme ». C’est aussi à ce moment-là qu’il devra donner des gages au Parti socialiste (que faire exactement de la réforme des retraites, quelle forme de taxation pour les ultra-riches) pour conserver sa mansuétude et espérer prolonger son bail à Matignon.
Une censure d’ici la fin de semaine prochaine ?
Car il est acquis que plus de 200 députés veulent déjà la chute de Sébastien Lecornu. Non conviés à l’Élysée pour les ultimes tractations, la France insoumise, le Rassemblement national et l’UDR d’Éric Ciotti ont déjà annoncé qu’ils veulent faire tomber ce gouvernement, les insoumis se disant prêt à déposer une motion de censure dès le premier jour.
Après qu’Emmanuel Macron a reconduit son « moine-soldat » à Matignon, les communistes ont rejoint le camp de la censure immédiat tandis que les écologistes « ne voient pas de raison » de ne pas le faire. Ces cinq partis représentent déjà 264 députés ce qui ne laisse que 25 voix d’avance à Sébastien Lecornu pour éviter d’être renversé. Quand on sait que le PS compte 69 députés, il suffirait qu’un tiers veuille censurer le gouvernement pour qu’il tombe à la première occasion ; elle pourrait se présenter dès vendredi.
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