Décalage des horaires, chômage technique, équipements rafraîchissants… La récente succession d’étés très chauds a obligé les secteurs les plus exposés à réfléchir à leur adaptation. Si le code du travail n’indique pas une température précise au-delà de laquelle il conviendrait de suspendre l’activité, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) estime qu’une vigilance est nécessaire à partir de 28 °C pour un travail physique, et de 30 °C pour un travail de bureau. Dans ce cas, comme dans la prévention des risques de chute de hauteur ou de blessure par machine, c’est à l’employeur d’assurer la sécurité du salarié.
Si des quatre décès survenus pendant les vendanges de 2023 en Champagne un seul a été officiellement causé par la chaleur – il n’y a pas eu d’enquête approfondie pour les trois autres –, ces drames concomitants et leur forte médiatisation ont tout de même entraîné localement une « prise de conscience générale », selon les mots de Philippe Cothenet, secrétaire général adjoint de l’intersyndicat CGT des salariés du champagne.
Le Comité interprofessionnel du vin de Champagne indique ainsi avoir déployé, en 2024, un plan d’action pour « renforcer les conditions d’emploi des travailleurs saisonniers ». Il n’en décrit que succinctement les mesures dans sa réponse écrite au Monde : la mise en place d’une fonctionnalité « météo » sur son application pour l’envoi d’alertes en temps réel, afin d’« adapter le planning de travail des vendangeurs si besoin », et le rappel aux employeurs de leurs obligations – temps de pause allongés, mise à disposition d’eau fraîche… Des réunions se sont par ailleurs tenues dès janvier, sous l’égide du préfet de la Marne, pour préparer les vendanges de 2024, durant lesquelles une cellule de suivi s’est réunie quotidiennement, week-end compris, pour l’« identification immédiate de situations indésirables ».
Droit au chômage technique
Aucune victime n’est à déplorer cette année. La météo, cependant, a été particulièrement clémente. « Il y a eu du mieux, mais cela reste de petites améliorations, souligne Philippe Cothenet. Plutôt que des formations aux gestes qui sauvent, on voudrait éviter d’avoir à réanimer quelqu’un ! Or aucune de nos propositions n’a été retenue. »
La principale : cesser le paiement du travail à la tâche, au kilo. « Pour les travailleurs, c’est plus rentable que le paiement au taux horaire, qui malheureusement reste au smic. Le problème, c’est que cela les incite à ne pas s’accorder de pause, même pour se désaltérer », déplore le syndicaliste. Dans un secteur où une bonne part de la main-d’œuvre est étrangère, employée par des prestataires, un système en « poupées russes » qui, pour la CGT, déresponsabilise les donneurs d’ordre, c’est aussi d’une lutte contre la précarité qu’il est question. Ainsi des conditions d’hébergement. M. Cothenet affirme avoir encore constaté, lors des vendanges en septembre, des campements sous tente : « En cas de canicule, si vous n’avez pas un endroit correct où dormir et prendre une douche fraîche, cela dégrade votre état pour le reste de la journée. » Dans ce contexte, interroge-t-il, comment comprendre que le gouvernement ait pu autoriser cet été, par décret, la suppression du repos hebdomadaire pendant les vendanges ?
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