Face à la démence numérique et à la déferlante de l’intelligence artificielle (IA) générative, il est urgent de cultiver l’esprit d’enfance, de retrouver la spontanéité du gosse au bout de la table, qui pose des questions comme elles lui viennent. Pourquoi autorise-t-on la publicité pour les smartphones, puisqu’ils sont aussi addictifs que des pipes à crack ? Pourquoi ne pas en interdire purement et simplement la vente et l’usage aux mineurs ? Est-il bon que l’IA générative soit laissée à disposition du public, puisqu’elle représente un désastre écologique et éducatif ? Pourquoi nous infliger une punition collective, que tout le monde subit sans l’avoir choisie ?
Depuis dix ans, tout a été écrit sur ce processus d’aliénation « sans équivalent dans l’histoire de l’humanité », selon les mots du chercheur en neurosciences Michel Desmurget. Son caractère délibéré a été admis par certains de ses organisateurs. Ancien président de Facebook, Sean Parker a reconnu que le réseau social a été conçu autour de « l’exploitation de la vulnérabilité de l’humain et sa psychologie ». Et d’ajouter : « Dieu sait ce que ça fait au cerveau de nos enfants (…) Les inventeurs, les créateurs – comme moi, Mark [Zuckerberg], Kevin Systrom d’Instagram et tous ces gens – avions bien compris cela, c’était conscient. Et on l’a fait quand même. »
Les experts s’accordent sur le constat d’un gâchis gigantesque, alors que le temps de cerveau disponible avait augmenté comme jamais, au cours du dernier siècle. Depuis 2022, la révolution de l’IA générative fait courir un péril plus vaste encore : que l’homme renonce définitivement à lui-même.
Une critique abrupte, radicale est nécessaire. Elle se fait un peu entendre, mais bute contre une énorme force d’inertie, faite de fascination servile, de résignation et de scepticisme goguenard. Comme souvent, les fous se présentent comme des gens raisonnables : « C’est le sens de l’histoire », etc. Eternels mantras de ceux qui confondent encore innovation et progrès, et sautent dans des trains en marche avant de demander au chauffeur la destination. « Heureux les simples d’esprit », répondent-ils, pleins de mépris, à celui qui questionne l’utilité sociale de l’IA générative. Traduire : « Pauvres types, qui rejetez ce qui dépasse votre entendement. » Et bien, revendiquons l’injure. Simple d’esprit, quel beau titre ! Il faut dire des choses très simples, en effet. Et dire « monstrueux » quand ce que l’on voit est monstrueux.
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