La contestation menace de se durcir en Turquie après l’incarcération du populaire maire d’opposition d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, avec de nouveaux appels à manifester lundi 24 mars à travers le pays.
Ekrem Imamoglu, principal opposant au président turc, Recep Tayyip Erdogan, a passé sa première nuit en prison à Silivri, en lisière d’Istanbul, au moment où son parti l’investissait candidat à la prochaine élection présidentielle, prévue en 2028.
M. Imamoglu, démis officiellement dimanche de ses fonctions, est accusé de « corruption », ce qu’il nie, dénonçant « une exécution sans procès ». « Je suis là. Je porte une chemise blanche et vous ne pourrez pas la salir. Mon poignet est solide et vous ne pourrez pas le tordre. Je ne reculerai pas d’un pouce. Je gagnerai cette guerre », a-t-il déclaré dans un message transmis par ses avocats.
Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), première force de l’opposition, avait maintenu dimanche une primaire à laquelle M. Imamoglu était le seul candidat. Le parti affirme que quinze millions d’électeurs ont pris part au vote ayant désigné l’élu emprisonné.
L’arrestation mercredi de M. Imamoglu a déclenché une vague de protestation inédite en Turquie depuis le grand mouvement de contestation de Gezi, parti de la place Taksim en 2013. Des rassemblements ont eu lieu depuis mercredi dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte de l’Agence France-Presse (AFP). Dimanche, des dizaines de milliers de personnes ont à nouveau envahi les abords de l’hôtel de ville d’Istanbul, où des heurts ont éclaté entre manifestants et policiers.
Les autorités ont interdit temporairement tout rassemblement dans les trois principales villes du pays. Plus de 1 130 manifestants ont été arrêtés depuis mercredi, a rapporté lundi matin le ministre de l’intérieur turc, Ali Yerlikaya, sur le réseau social X. Au moins dix journalistes – dont un photographe de l’AFP –, ont été également arrêtés lundi à l’aube à leur domicile à Istanbul et à Izmir (Ouest), troisième ville du pays, a rapporté l’association turque de défense des droits humains MLSA.
« Atteinte à la démocratie »
« L’incarcération du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, ainsi que de nombreuses autres personnalités constituent des atteintes graves à la démocratie », a déploré dimanche soir la diplomatie française, qui avait déjà condamné son arrestation mercredi. A l’unisson, l’Allemagne, où vit la plus grande communauté turque de l’étranger, a fustigé « ceux qui emprisonnent les politiciens de l’opposition et les manifestants », dénonçant également une « atteinte à la démocratie ».
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Lundi, le président du congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, Marc Cools, a réclamé la « libération immédiate » d’Ekrem Imamoglu, dénonçant une « manœuvre calculée visant à saper l’intégrité et l’équité des processus électoraux ». Il a également souligné que la Turquie, en tant que membre du Conseil de l’Europe, « s’est engagée à respecter et à défendre les valeurs démocratiques, l’Etat de droit et les droits humains ». « Nous appelons les autorités turques à respecter ces engagements », a-t-il conclu.
Outre M. Imamoglu, près de 50 coaccusés ont également été placés en détention dimanche pour « corruption » et « terrorisme », selon la presse turque. Parmi eux figurent deux maires d’arrondissement d’Istanbul, membres eux aussi du CHP. Les deux élus ont été destitués et l’un d’eux, accusé de « terrorisme », a été remplacé par un administrateur nommé par l’Etat, ont annoncé les autorités.
Le ministre de l’économie turc, Mehmet Simsek, a voulu balayer dimanche soir des rumeurs de démission. « Nous sommes au travail et continuerons à prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement des marchés. Je vous en prie, ne croyez pas les fausses nouvelles », a-t-il écrit sur X.
Dimanche soir, le réseau social X a annoncé que les autorités turques avaient demandé le blocage de plus de 700 comptes.