Ces derniers mois, la police des mœurs, chargée de surveiller le respect de la loi sur le port du hidjab, se faisait plus discrète. Mais, depuis mi-avril, elle est bel et bien de retour dans les rues iraniennes et mène, selon les témoignages recueillis par Le Monde et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, des arrestations parfois très musclées, notamment à Téhéran, contre celles qui osent sortir tête nue. Depuis la mort en garde à vue, en septembre 2022, de Mahsa (Jina) Amini pour une apparence jugée « pas assez islamique », des Iraniennes refusent de se couvrir les cheveux. Si ces femmes non voilées restaient harcelées et intimidées par des personnes zélées ou proches du régime, elles l’étaient moins par les policiers.
Ce n’est plus cas. A deux reprises, début avril, le Guide suprême, Ali Khamenei, a fait part de son mécontentement quant au non-respect de la loi sur le hidjab dans la société iranienne. Le 13 avril, la police a donc lancé une nouvelle opération, baptisée « Plan de la lumière », contre les femmes non ou mal voilées.
A Téhéran, Sanam (un pseudonyme, pour protéger l’intéressée, comme d’autres témoins citées dans cet article), une informaticienne de 29 ans, a été arrêtée au deuxième jour de cette opération parce qu’elle ne portait pas de foulard, refusant de se couvrir la tête et, même, d’en porter un dans son sac. « Ne pas porter le foulard est ma manière de me battre pour que les gens n’oublient pas toutes les vies perdues pendant les manifestations », explique la jeune femme jointe par Google Meet, l’un des seuls réseaux de communication non bloqués en Iran.
La veille de son arrestation, le 13 avril, la République islamique d’Iran avait lancé plus de300 drones, missiles de croisière et missiles balistiques vers Israël, en réaction à l’attaque de Tel-Aviv contre le consulat d’Iran en Syrie, quelques jours plus tôt. Le 14 avril, comme beaucoup d’autres Iraniens, Sanam a passé une nuit blanche en suivant les informations. « Je ne savais pas qu’il y avait une nouvelle opération de la police des mœurs. Je m’inquiétais avant tout d’une guerre avec Israël », dit-elle.
Traitées comme des délinquantes
Au matin, elle sort avec une amie. Quittant un café dans le nord de la capitale, Sanam voit, à quelques centaines de mètres d’elle, deux policiers à moto, talkie-walkie à la main, qui la dévisagent. La jeune femme commence à courir avant d’être encerclée par une voiture de police et un fourgon duquel sortent six femmes en tchador noir. Face à sa résistance pour monter dans le véhicule, un autre policier s’approche et lui assène un violent coup de pied dans le dos. « Je me suis pliée en deux de douleur », se souvient Sanam. Une autre femme qui filme la scène – une habitude prise par beaucoup de citoyens iraniens pour documenter la violence des autorités – est tabassée, elle aussi, et arrêtée. Les policiers motards font tourner en l’air leur matraque et menacent les voitures qui klaxonnent pour montrer leur colère face à ces interpellations brutales.
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