S’éloigner des côtes, c’est voguer sur des flots parfois incertains. La France attend toujours la mise en service de ses trois premières petites fermes pilotes pour de l’éolien flottant. Des projets ballottés au gré de la conjoncture, après un appel d’offres conclu dès 2016 par l’Agence de la transition écologique.
L’éolien en mer peut s’installer de deux manières – soit « posé » sur des fondations, cas le plus répandu, soit « flottant », autrement dit relié aux fonds marins par des lignes d’ancrage, dans des zones plus profondes. Si elle franchissait le stade du prototype, cette deuxième option permettrait une production d’électricité encore plus au large. De quoi minimiser les conflits d’usage de la mer et… capter des vents plus forts.
Les démonstrateurs prévoient chacun trois éoliennes, en Méditerranée. EDF espère une mise en service pour la « rentrée » de septembre. En Provence, à 17 kilomètres au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône), ses machines seront censées produire l’équivalent à l’année de la consommation électrique de 45 000 habitants.
Davantage d’incertitude entoure les deux autres chantiers. Celui d’Engie se situe dans le golfe du Lion, entre Leucate (Aude) et Le Barcarès (Pyrénées-Orientales). Celui du petit groupe énergétique français Qair, au large de Gruissan et de Port-la-Nouvelle, également dans l’Aude. Les deux auraient plutôt 2025 pour horizon, au mieux.
« Différents chocs exogènes »
« La viabilité [de ces fermes pilotes] est en jeu » et « leur équilibre économique est (…) fondamentalement remis en question », alertaient les trois entreprises, en février, dans une lettre au ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ainsi qu’au ministre délégué à l’industrie et à l’énergie, Roland Lescure.
Les discussions avec le gouvernement se poursuivent. Au vu de « différents chocs exogènes » (pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, inflation du coût des matières premières pour les fournisseurs, hausse des taux d’intérêt auprès des banques), les entreprises demandent à l’Etat de renforcer son soutien.
« Notre projet ne pourra pas aller au bout sans une nouvelle intervention », affirme Olivier Guiraud, directeur général des énergies marines renouvelables chez Qair. La société est l’actionnaire majoritaire d’Eolmed (avec 63 %), le chantier au large de Gruissan. C’est le plus petit des trois porteurs de projet, sans doute aussi le plus alarmiste, malgré l’appui de TotalEnergies (20 %).
En 2022, le coût prévisionnel d’Eolmed tournait autour de 308 millions d’euros. Il atteint désormais 374 millions et comprend déjà 78 millions d’euros d’aides étatiques : une moitié sous forme de subvention à l’investissement, l’autre d’avances remboursables. « Avant même d’envisager un nouveau subventionnement », l’entourage de M. Lescure souligne « le besoin de remettre la main collectivement sur la maîtrise industrielle de ce projet, car ses coûts et son calendrier sont très loin d’être tenus ».
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