Une tenue portée sur scène par l’influenceur et chanteur Stéphane Sacré lors de sa prestation au festival Mother Africa, à Abidjan, samedi 28 décembre, a été à l’origine d’une vaste campagne homophobe sur les réseaux sociaux. Appelé sur scène, Stéphane Sacré, connu sous son nom d’artiste L’Excès, a interprété son dernier single, Sessy, déformation du mot anglais « sexy ».
Il arborait pour l’occasion un chapeau de cow-boy, un collier scintillant et une tenue en dentelle noire qui laissait entrevoir son sous-vêtement et une ceinture de bayas, ces perles traditionnellement portées par les femmes en Afrique de l’Ouest. La majorité de l’audience a dansé et entonné les paroles en chœur avec l’artiste, mais certains spectateurs masculins l’ont hué, ou ont carrément tourné le dos à la scène.
C’est le lendemain, dimanche 29 décembre, que la polémique a éclaté sur les réseaux sociaux après la diffusion des photographies et des vidéos du concert. Depuis, des centaines de commentaires qualifient la tenue de Stéphane Sacré d’« ignominie » et lui-même de woubi, une insulte largement employée en Côte d’Ivoire pour désigner les homosexuels. De nombreux comptes appellent le procureur de la République à poursuivre le chanteur pour « outrage public à la pudeur », tandis que d’autres appellent au meurtre par « lapidation ».
L’artiste désavoué par le festival
Face à la polémique, le festival Mother Africa a immédiatement retiré la vidéo de la prestation de Stéphane Sacré de son compte Instagram, avant de désavouer complètement l’artiste dans un communiqué publié lundi matin sur Instagram. Les organisateurs parlent d’« un événement imprévu indépendant de sa volonté » et affirment qu’« un artiste-influenceur, ajouté à la dernière minute dans le cadre de la promotion des jeunes talents, a offert une prestation jugée choquante et contraire aux principes de respect et de dignité portés par l’événement ». Le festival écrit que « cet artiste a pu s’introduire sur scène avec une tenue qui ne reflète en rien l’esprit du festival et de ses organisateurs ».
Stéphane Sacré a dû présenter des excuses publiques à son tour, lundi après-midi. Dans un communiqué publié sur son compte Instagram, il dit « comprendre que [sa] tenue ait pu choquer » et « [tenir] à en assumer la responsabilité ». « En tant qu’artiste, justifie-t-il, il m’arrive de pousser les limites de la créativité, parfois sans me rendre pleinement compte des répercussions que cela peut avoir dans certains contextes culturels. Mon intention n’a jamais été de choquer, mais de m’exprimer librement, comme cela est courant dans le monde artistique. » « Si j’ai pu manquer de discernement, conclut-il, je m’en excuse sincèrement. »
Personnalité médiatique populaire et appréciée en Côte d’Ivoire, où il cumule les casquettes d’animateur de télévision, d’humoriste, d’influenceur et de chanteur, Stéphane Sacré est suivi par 255 000 personnes sur Instagram. En 2020, il avait déjà été ciblé par une campagne de cyber-harcèlement après la divulgation d’une « sextape » et des rumeurs sur son homosexualité présumée.
Depuis le mois d’août, une recrudescence des actes homophobe a été constatée par les associations de défense des droits des personnes LGBT+. Plusieurs dizaines d’agressions physiques ont été recensées, alimentées par des propos violemment homophobes tenus et relayés par des influenceurs sur les réseaux sociaux. La Côte d’Ivoire passait pourtant pour un pays tolérant en Afrique de l’Ouest, puisqu’elle y est l’un des rares pays où l’homosexualité n’est pas criminalisée.