Le verdict était très attendu, dans un pays encore sidéré par le coup de force raté de décembre 2024 et échauffé par des mois de tensions et de rebondissements. La Cour constitutionnelle de Corée du Sud a confirmé, vendredi 4 avril, à l’unanimité la motion de destitution votée en décembre 2024 par les députés contre le président Yoon Suk Yeol, le démettant ainsi définitivement de ses fonctions, quatre mois après sa tentative désastreuse d’imposer la loi martiale. Cette décision signifie le départ immédiat du pouvoir de Yoon Suk Yeol, qui n’était jusqu’à présent que suspendu, et entraînera une présidentielle anticipée sous soixante jours. Le chef de l’opposition Lee Jae-myung en est le grand favori.
Dans un arrêt accablant lu en vingt-trois minutes par son président, Moon Hyung-bae, la Cour a estimé que les actions de Yoon Suk Yeol avaient « violé les principes fondamentaux de l’Etat de droit et de la gouvernance démocratique ». Yoon Suk Yeol « ne s’est pas contenté de déclarer la loi martiale, mais a commis des actes qui ont violé la Constitution et la loi, notamment en mobilisant les forces militaires et policières pour empêcher l’Assemblée nationale d’exercer son autorité », a-t-il poursuivi. « Les actes inconstitutionnels et illégaux du défendeur trahissent la confiance du peuple et constituent une violation grave de la loi qui ne peut être tolérée du point de vue de la protection de la Constitution », a ajouté la Cour.
« Nous prononçons la décision suivante, avec l’accord unanime de tous les juges : [nous] destituons le président Yoon Suk Yeol », a-t-il dit, confirmant la motion de destitution votée par l’Assemblée nationale le 14 décembre 2024.
« Je suis vraiment désolé et j’ai le coeur brisé de ne pas avoir pu répondre à vos attentes », a écrit Yoon Suk Yeol dans un bref communiqué publié après la décision du tribunal. « Je suis profondément reconnaissant envers tous ceux qui m’ont soutenu et encouragé malgré mes nombreuses lacunes », a-t-il également déclaré.
Le parti de Yoon « accepte solennellement » la décision
Le parti de l’ancien président sud-coréen a déclaré vendredi qu’il acceptait le verdict de la Cour. « C’est regrettable, mais le Parti du pouvoir au peuple accepte solennellement et respecte humblement la décision de la Cour constitutionnelle. Nous présentons nos excuses sincères au peuple », a déclaré le député et haut responsable du parti Kwon Young-se.
Le chef de l’opposition, Lee Jae-myung, a salué la décision. « L’ancien président Yoon Suk Yeol, qui a détruit la Constitution et menacé le peuple et la démocratie avec les armes à feu et les couteaux que le peuple lui avait confiés, a été destitué », s’est-il réjoui devant la presse.
Elu avec la plus faible avance de l’histoire du pays en 2022, l’ancien procureur vedette de 64 ans a dévalé la pente de l’impopularité, allant jusqu’à activer brièvement dans la nuit du 3 au 4 décembre la loi martiale, état d’exception inutilisé en Corée du Sud depuis la dictature militaire des années 1980. Yoon Suk Yeol a toujours défendu cette mesure, soutenant qu’elle était nécessaire pour repousser « les forces communistes nord-coréennes » et « éliminer les éléments hostiles à l’Etat ». Dans un Parlement cerné par des soldats, un nombre suffisant d’élus était toutefois parvenu à se réunir pour voter à l’unanimité un texte exigeant la fin de la loi martiale, abolie par le président six heures après son instauration.
Yoon Suk Yeol est devenu en janvier le premier président sud-coréen titulaire à se voir arrêté et placé en détention. En février s’est ouvert son procès au pénal pour insurrection – un crime passible de la peine de mort –, autre situation inédite pour un chef de l’Etat sud-coréen en cours de mandat. Yoon Suk Yeol a cependant été libéré le 8 mars pour vice de procédure.
Alerte maximale et quartier hermétiquement bouclé
Des dizaines – parfois des centaines – de milliers de personnes manifestent tous les week-ends à Séoul, pour ou contre lui. Nombre de partisans avaient campé dans le froid glacial pendant des semaines devant son domicile pour empêcher son arrestation. Le 19 janvier, des soutiens radicaux avaient même pris d’assaut le tribunal qui venait de prononcer la prolongation de sa détention. Un fait sans précédent en Corée du Sud.
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Les huit juges de la Cour bénéficient d’une protection policière renforcée. Vendredi, la police, placée en état d’alerte maximale, a hermétiquement bouclé le quartier du palais de justice à l’aide d’un barrage d’autobus, et a déployé des équipes des forces spéciales. Des postes médicaux avancés ont été installés dans les environs pour faire face aux éventuelles urgences.
Des foules de manifestants pro et anti-Yoon ont campé près de la Cour et de la résidence du dirigeant suspendu pendant la nuit, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse. Des manifestants anti-Yoon ont également afflué dans la matinée dans le centre de Séoul. Plusieurs ambassades, dont celles des Etats-Unis, de France, de Russie et de Chine, ont recommandé à leurs ressortissants d’éviter les rassemblements de masse.