La mobilisation d’agriculteurs destinée à éviter l’abattage d’un troupeau de 200 vaches en Ariège a dégénéré en affrontements entre manifestants et gendarmes, jeudi 11 décembre dans la soirée.
« L’action conjointe des forces de sécurité intérieure a permis de sécuriser l’exploitation agricole. La situation est désormais sous contrôle », a fait savoir la préfecture de l’Ariège, peu avant minuit.
Après l’annonce, mercredi matin, d’un cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) dans un élevage du village de Les Bordes-sur-Arize, des agriculteurs s’étaient rassemblés en nombre afin de bloquer l’accès de l’exploitation aux services vétérinaires, chargés d’euthanasier 207 blondes d’Aquitaine. Jeudi, en début de la soirée, à l’arrivée des forces de l’ordre près de la ferme, alors que la nuit était tombée, de multiples tirs de grenades lacrymogènes et assourdissantes par les gendarmes ont répondu aux jets de pierres et de différents projectiles des manifestants.
Les premiers ont investi la ferme vers 22 h 30, repoussant les seconds au moyen des gaz lacrymogènes, d’après un journaliste vidéo de l’Agence France-Presse (AFP). Cette même source a rapporté que les forces de l’ordre avaient finalement pris le contrôle de la ferme peu avant 23 heures.
Centaines d’agriculteurs mobilisés
Plusieurs centaines d’agriculteurs, notamment de la Coordination rurale et de la Confédération paysanne et des sympathisants du mouvement, avaient d’abord protesté dans le calme. Selon les gendarmes, il restait sur place, vers 22 heures, environ 200 manifestants, « dont quelques dizaines de militants d’ultragauche » alors que d’autres chantaient des cantiques, en portant une croix face aux forces de l’ordre.
Le préfet de l’Ariège, Hervé Brabant, a assuré que les deux frères propriétaires du troupeau lui avaient donné leur accord pour l’abattage des bêtes, conformément au protocole sanitaire de lutte contre la DNC, et a dénoncé la poursuite de l’action des protestataires. Cette affirmation a été démentie par Pierre-Guillaume Mercadal, dirigeant de la Coordination rurale. « Ils sont deux frères, un a cédé, l’autre non. Ils sont en train de déchirer cette famille, en plus de l’accabler du deuil de leurs vaches », a-t-il répondu au préfet.
« Les forces de l’ordre, engagées depuis 13 h 30 pour assurer l’accès des vétérinaires à l’exploitation, sont la cible de jets de projectiles et de cocktails Molotov de la part d’un groupe de manifestants dont certains éléments de la mouvance contestataire d’extrême gauche », avait écrit, en début de soirée sur X, la préfecture de l’Ariège, appelant au calme.
Depuis mercredi, des centaines d’agriculteurs, de la Coordination rurale et de la Confédération paysanne, se sont mobilisés. Avec des dizaines de tracteurs, des troncs d’arbres, ils ont obstrué les routes menant à l’exploitation. « Notre intention est d’empêcher [l’abattage]. Il faut que la ministre [de l’agriculture, Annie Genevard], prenne conscience de la situation », avait déclaré, dans la matinée, Jérôme Bayle, figure régionale du mouvement de protestation agricole.
« Seule solution qui fonctionne »
Le préfet avait assuré, jeudi, au micro de la radio Ici Occitanie, que la stratégie d’abattage était la seule efficace « pour préserver le cheptel français ». « Les mesures sanitaires qui s’imposent conduisent à ce que le troupeau soit abattu, c’est la meilleure solution. C’est la seule qui fonctionne », avait-il défendu. « Si je dois faire preuve de fermeté, je ferai preuve de fermeté. Mais je serai désolé d’en arriver là et j’en appelle à la responsabilité », avait-il prévenu.
Syndicats et chambres d’agriculture avaient proposé, mercredi, un protocole expérimental au ministère de l’agriculture afin que les abattages soient limités aux vaches contaminées et que le reste du troupeau soit contrôlé par test PCR pendant quatre à six semaines. Ils avaient appelé à une « vaccination massive, rapide et efficace au-delà des zones réglementées » ainsi qu’à la mise en place d’une zone de protection de cinq kilomètres autour du foyer.
Jusqu’ici, la réglementation visant à éviter la propagation de la maladie prévoit que tout le troupeau concerné soit abattu et l’instauration de « zones réglementées » dans un rayon de 50 kilomètres autour du foyer de DNC, un périmètre dans lequel les déplacements de bovins sont interdits ou restreints et où les bêtes sont vaccinées. Sur les 33 000 bovins d’Ariège, 3 000 ont déjà été vaccinés dans les zones proches des Pyrénées-Orientales où des foyers ont été détectés.
Un autre cas dans les Hautes-Pyrénées
Dans les Hautes-Pyrénées, un troupeau d’une vingtaine de bovins doit être abattu vendredi, a annoncé, jeudi, le préfet du département, Jean Salomon. Dans cette exploitation située à Luby-Betmont, une dizaine d’éleveurs sont mobilisés pour empêcher l’intervention des services vétérinaires. « Les tentatives de blocage ou les regroupements observés près des exploitations font courir à tous les éleveurs un risque de propagation supplémentaire de la maladie », s’est inquiété M. Salomon.
« La mobilisation paye, en Ariège, ça a retardé l’échéance », a jugé Bertrand Venteau, président de la Coordination rurale. Il appelle à une vaccination massive et à « l’unité du monde agricole ». La ministre « Annie Genevard doit changer sa politique, sinon elle va nous foutre le feu dans les campagnes », a-t-il poursuivi, estimant que la dermatose « n’est pas sous contrôle ».
Apparue en juin en France, non transmissible à l’humain mais pouvant entraîner la mort des bêtes, la DNC est « sous contrôle », soutient au contraire le ministère, qui a ouvert, mardi, « des réflexions » sur la vaccination préventive du cheptel.
Contrairement à la Coordination rurale et à la Confédération paysanne, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) y est plus réticente en raison du « risque d’effondrement des exportations et des prix » qu’elle pourrait entraîner, a expliqué, mardi, à l’AFP son président, Arnaud Rousseau. Jeudi soir, il a cependant annoncé avoir demandé à Mme Genevard une « extension de la zone vaccinale au-delà des zones réglementées ».
Les cas détectés de DNC dans l’Ariège et dans les Hautes-Pyrénées sont les premiers recensés dans ces départements depuis la détection du premier foyer en Savoie le 29 juin.
Philippe Gagnebet a participé à la rédaction de cet article.















