« C’est qui ? Non, non, non ! Je ne sais pas, je ne sais rien ! » Ronchonne, l’indigène accueille le visiteur avec méfiance. Ce matin de novembre, elle s’est levée du mauvais pied. Son dos lui fait mal, la cataracte brouille sa vue. Etait-elle seulement au courant de notre venue ? Dans le labyrinthe de la grande forêt amazonienne, les nouvelles s’égarent vite. Elle consent à sortir sur le perron de sa bicoque. « Toi, tu t’assois ! », ordonne-t-elle, impérieuse, éventail en osier à la main, installée en tailleur sur une chaise en plastique.
Tous les chemins de l’Amazonie semblent converger vers elle. « Je suis la dernière ! », proclame la matriarche, prénommée Rita. « Dernière », elle l’est assurément : ultime représentante des Piripkura, ce groupe amérindien d’Amazonie, surnommé « peuple papillon » pour sa manière, furtive et véloce, de traverser la forêt. Alors qu’ils étaient plusieurs centaines voilà quelques décennies, ils ne sont désormais plus que trois sur terre : elle, son frère et son neveu. Leur fin est écrite. Elle ne durera guère plus qu’un battement d’ailes.
Au moins 2 000 peuples indigènes occupaient l’actuel Brésil en 1500, contre 391 de nos jours : autant de victimes d’un génocide méthodique et silencieux. Rita, sexagénaire voûtée, traits marqués et cheveux de jais, vit hantée par le sort de dizaines d’autres groupes comme le sien, réduits à une poignée de membres et placés au bord du gouffre. Protéger ces survivants est un test de vérité pour le président Lula, champion autoproclamé de la cause amérindienne et candidat à un nouveau mandat en 2026. « Ce qui nous est arrivé, d’autres l’ont vécu. D’autres le vivront », soupire Rita.
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