Dans un texte datant de la décennie 1980, « La bonne et la mauvaise action humaine », la philosophe britannique Elizabeth Anscombe (1919-2001), qui fut l’une des plus proches disciples de Ludwig Wittgenstein (1889-1951) et surtout l’un des plus importants esprits du XXe siècle, évoque la fresque de Raphaël L’Ecole d’Athènes (1508-1512). Au centre, on voit Platon tendre la main vers le ciel des idées tandis qu’Aristote baisse la sienne, en direction des réalités de ce monde. Cette allégorie doit être complétée par l’un des derniers articles d’Anscombe (« Wittgenstein, un philosophe pour qui ? », 1991), traduit dans la revue Philosophie (no 76, 2003). Elle y oppose ceux qui, comme Platon et son maître Wittgenstein, furent des « philosophes pour philosophes », traitant exclusivement les questions que la discipline se pose à elle-même, et ceux qui, sur le modèle d’Aristote, « ne s’occupent que rarement de problèmes que les non-philosophes trouveraient bizarres ».
Auquel de ces camps appartient Elizabeth Anscombe ? Incontestablement, son style ardu, son goût des doubles négations, son travail patient et technique de l’argument semblent la ranger dans le rang des premiers. C’est plus évident encore quand on se plonge dans son principal et redoutable ouvrage de 1957, L’Intention (Gallimard, 2002). Mais l’abondance des exemples concrets qui peuplent ses essais, son refus des conclusions trop définitives, un phrasé souvent abrupt mais saupoudré d’humour et parsemé de sous-entendus lui évitent de sombrer dans l’ésotérisme ou le technicisme.
Il vous reste 84.02% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.








