ARTE.TV – À LA DEMANDE – CONCERT
Rufus Wainwright est l’artiste pop que l’on sait, mais Dream Requiem que créaient, en juin, l’actrice Meryl Streep, la soprano Anna Prohaska, le Chœur, la Maîtrise et l’Orchestre philharmonique de Radio France, dirigés par Mikko Franck, n’est pas sa première incursion dans le domaine de la musique dite (improprement et faute de mieux) « classique ».
On avait été heureusement surpris par son opéra Prima Donna, écrit en langue française, dont la création mondiale s’était tenue au Festival international de Manchester (MIF) en juillet 2009. L’un des axes du MIF était, selon son directeur de l’époque, Alex Poots, d’« aider de grands artistes à créer de nouvelles œuvres sans les contraintes commerciales habituelles ».
Cette partition, que nous avons réentendue en version multimédia au Festival d’Avignon, en 2016, trouvait sa singularité tout en piochant (comme l’ont fait tant d’autres avant Wainwright) chez de nombreux compositeurs : Massenet, la musique française (Poulenc ou Canteloube) ou anglaise (Delius, Vaughan Williams) de l’entre-deux-guerres, Philip Glass…
Vieux rêve
En tout état de cause, Rufus Wainwright, aidé par un logiciel d’orchestration et des assistants qui l’ont conseillé, n’a pas démérité, en comparaison avec tant de partitions avant-gardistes qui témoignent, chez leurs auteurs, d’une oreille moindre. Nous n’avons pas entendu Hadrian (2018), son deuxième opéra ; mais voici, écrit pendant la pandémie de Covid-19, un Dream Requiem en hommage aux victimes de cette maladie.
Rufus Wainwright fut très tôt attiré par l’opéra : « J’étais adolescent, homosexuel et ultrasensible. Le monde merveilleusement flamboyant et tragique de l’opéra m’attirait et me bouleversait », confiait-il au Monde, en 2015. La découverte du Requiem, de Verdi, fut un autre choc majeur. Avec Dream Requiem, Wainwright a-t-il ainsi réalisé le vieux rêve de produire à son tour une messe des morts ?
La partition est, hélas, un salmigondis de lieux communs mal digérés (au contraire de Prima Donna, qui jouait finement avec les artifices du genre lyrique) et fait des clins d’œil un peu trop appuyés à Verdi et à Benjamin Britten. Comme le compositeur anglais dans son War Requiem (1962) – influence revendiquée – , Rufus Wainwright a choisi de mêler le vernaculaire et le sacré.
En dépit d’un soprano solo qui chante constamment bas, d’un Chœur de Radio France déficient (le pupitre de ténors !), reste l’engagement du chef d’orchestre et la présence luxueuse de la mégastar Meryl Streep en récitante de Darkness, le poème apocalyptique de Lord Byron.
Dream Requiem, de Rufus Wainwright. Avec Meryl Streep (récitante), Anna Prohaska (soprano), Chœur, Maîtrise et Orchestre philharmonique de Radio France, sous la direction de Mikko Franck (Fr., 2024, 83 min). Sur Arte.tv jusqu’au 13 juin 2028.