En 1976, sur le site de Laetoli, en Tanzanie, le paléontologue Andrew Hill a découvert des empreintes vieilles de 3,7 millions d’années en tombant littéralement dessus. Il a trébuché pour éviter une bouse d’éléphant lancée par un collègue facétieux. Un tel parfum de légende manque au récit de la dernière découverte en date, sur le site de Koobi Fora au Kenya. Mais ces pistes, datées de 1,5 million d’années, sont tout aussi captivantes : elles entremêlent les pas de deux espèces d’homininés – un terme qui désigne les représentants de la lignée humaine depuis sa séparation de celle des chimpanzés.
« Ces traces ont été découvertes en 2021 par un de mes collègues, Richard Loki [université Stony Brook, New York], alors qu’il travaillait avec une équipe qui excavait des squelettes fossilisés se trouvant dans des sédiments juste au-dessus », raconte Kevin Hatala (Chatham University, Pittsburgh, Institut Max-Planck d’anthropologie évolutive, à Leipzig, en Allemagne), premier auteur de l’étude publiée le 29 novembre dans Science et décrivant ces traces. Il a été chargé de poursuivre la mise au jour de ces empreintes et de la prise d’images en photogrammétrie, pour obtenir des modèles en trois dimensions afin de les analyser.
« Une suggestion fascinante »
Les chercheurs se sont concentrés sur la piste dite « TS-2 », où ils ont distingué une suite de treize pas attribuée à un même individu, et des empreintes isolées. Les premiers, selon une analyse de la courbure de la voûte plantaire, ne ressemblent pas à celles des humains modernes, et sont attribués à Paranthropus boisei – une espèce appartenant à une lignée éteinte. Les secondes sont en revanche plus « humaines » – elles ressemblent à des traces vieilles de cinq cents ans décrites dans des sols comparables à Walvis Bay, en Namibie, et sont présumées avoir été laissées par Homo erectus (aussi connu sous sa dénomination africaine d’Homo ergaster), plus proche de nous sur le plan évolutif.
Trouver ces traces, contemporaines à quelques heures ou jours d’intervalle, confirme que ces deux espèces, dont les fossiles ont été retrouvés dans la région, ont coexisté. « Etant donné les différences claires de nutrition, d’histoire de vie et d’encéphalisation entre Homo et Paranthropus, c’est une suggestion fascinante », commente William Harcourt-Smith (Muséum d’histoire naturelle de New York) dans Science.
La révélation d’une telle cohabitation a conduit l’équipe à se repencher sur des traces trouvées à 40 kilomètres de là, sur le site d’Ileret (Kenya). « Nous avons constaté que là-bas aussi, il y avait des preuves de trace de pas de plusieurs espèces d’homininés, que nous n’avions pas identifiées auparavant », dit Kevin Hatala.
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