La sonnerie aux morts vient de retentir. Sous un soleil voilé en ce jour d’octobre, on devine les silhouettes d’un régiment écossais avançant dans le cimetière militaire. Nous sommes à Loos-en-Gohelle, près de Lens, dans l’ancien bassin minier du Pas-de-Calais. La mine grave et tête nue dans leurs uniformes marron, ces soldats portent un cercueil enveloppé d’un drapeau britannique sur lequel repose une couronne de coquelicots rouge sang. Ils se dirigent à pas lents vers le trou creusé dans la terre où ce soldat inconnu va être inhumé, comme quatre autres, avec les honneurs militaires. Des collégiens de Loos-en-Gohelle assistent à la cérémonie, réglée au millimètre, avec des passionnés de la guerre 14-18 et quelques élus de la ville, théâtre de trois grandes batailles entre mai 1915 et août 1917, au cours desquelles elle fut entièrement rasée.
Sont également présents des représentants de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth (CWGC). C’est elle qui gère les vingt-trois mille cimetières militaires disséminés dans cent cinquante pays, dont trois mille en France, où reposent les soldats de la Grande-Bretagne et de son empire. Fondée par une charte royale en 1917, cette commission est financée par le Royaume-Uni, l’Inde, le Canada, l’Afrique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, Etats constitutifs de l’Empire britannique au début du siècle dernier. Elle est chargée de commémorer les victimes des deux guerres mondiales de ces pays.
Les restes des cinq soldats qui vont être portés en terre dans la douceur de cet après-midi d’automne sont passés entre les mains expertes de ses archéologues. Quatre d’entre eux ont été retrouvés en 2022 à Saint-Laurent-Blangy, près d’Arras, lors de travaux pour la construction d’une prison. « Il est très probable qu’ils aient été tués le 9 avril 1917, le premier jour de la bataille d’Arras, lorsque la 26e brigade d’infanterie de la 9e division écossaise a attaqué le lieu où ils ont été récupérés », lit-on dans le livret édité pour cette cérémonie. Pour le cinquième, le conditionnel est aussi de mise. Il est, là encore, « très probable » qu’il soit tombé en 1915, lors de la bataille de Loos-en-Gohelle. Ses ossements ont été découverts dans un tunnel entre deux tranchées à Haisnes, à 6 kilomètres de là. Tous les cinq sont « known unto God » (seulement connus de Dieu, en ancien anglais), l’épitaphe qui figure sur toutes les tombes de ces soldats inconnus.
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