Dimanche 30 juin, à l’Elysée, l’état-major du président s’est attablé côté jardin, pour éplucher les résultats du premier tour des législatives. « Il faut trouver à “faire majorité” », se projette déjà Emmanuel Macron, qui souhaite bâtir une grande coalition, « des sociaux-démocrates aux gaullistes ». A 20 h 47, François Ruffin (Nouveau Front populaire, NFP) annonce qu’il est arrivé deuxième dans la Somme, avec 33,9 %, derrière la candidate du Rassemblement national (RN), à 40,7 %. Arrivée troisième (22,7 %), la candidate macroniste prévient l’un des stratèges du président qu’elle compte se retirer. « Oui, oui, c’est très bien, ça va créer le symbole », valide ce dernier.
Plus tôt dans la journée, la secrétaire générale des Ecologistes, Marine Tondelier, a envoyé un SMS à Emmanuel Macron pour s’assurer de son intention d’en appeler à un front républicain. Dans la nuit, le conseiller officieux du président Thierry Solère, fin connaisseur de la carte électorale, met en garde la petite assemblée : « Attention aux désistements, ça pourrait faire élire le RN plus vite. » L’ancien député La République en marche (LRM) cite en exemple la 3e circonscription des Alpes-Maritimes, où le RN est arrivé en tête avec 41,5 %, devant le NFP (27,2 %) et le candidat Ensemble, distancé de quelques centaines de voix seulement, avec 25,4 % des voix. « Si, sur ces terres très très à droite, vous demandez à un candidat de droite [en l’occurrence Horizons] de se retirer, ça va libérer une énorme réserve de voix qui risque de se reporter sur le RN », prévient-il.
A l’issue de deux jours d’intenses tractations, cent trente candidats de gauche et plus de quatre-vingts candidats macronistes se sont désistés pour tenter de faire barrage au RN, au prix de situations baroques : dans le Calvados, le candidat La France insoumise (LFI) s’est retiré au profit de l’ex-première ministre, Elisabeth Borne, qui a fait passer la réforme des retraites, quand, dans les Hauts-de-France, un « insoumis » a dû s’effacer au profit du ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, auteur de la loi sur l’immigration. Si les états-majors politiques se sont d’abord réjouis de voir arriver les premiers sondages, qui semblent écarter le risque d’une majorité absolue pour l’extrême droite, certains, en leur sein, redoutent que ces accords de l’entre-deux-tours troublent les électeurs et se révèlent contre-productifs, dimanche 7 juillet.
« Confiscation démocratique »
C’est logiquement à droite, qui n’a pas donné de consigne de vote et reste obstinément accrochée au « ni-ni » (ni RN ni LFI), que les inquiétudes sont les plus vives. Dans une tribune au Figaro, la sénatrice LR Laurence Garnier dénonce ces « tractations politiques entre la majorité présidentielle et l’extrême gauche », qui, selon elle, « traduisent un mépris du vote du peuple français ». « Mieux vaut, nous dit-on, et quoi qu’en pensent les Français, une absence de majorité et un pays ingouvernable, qu’un gouvernement Rassemblement national. Bref, cachez ce peuple que je ne saurais voir », s’agace l’élue de Loire-Atlantique, qui y voit un « exercice, inédit par son ampleur, de confiscation démocratique ».
Il vous reste 56.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.