On prévient : il ne s’agit évidemment pas là de comparer. Mais on avoue pourtant qu’en arpentant l’exposition « L’art “dégénéré” » du musée Picasso, on a eu une pensée pour les architectes qui ont découvert la directive de Donald Trump ordonnant que les bâtiments publics recourent désormais à une architecture « traditionnelle, régionale et classique » afin de redonner sa « noblesse » à la nation américaine et décrétant notamment le brutalisme (au moment même où le film The Brutalist triomphe dans les salles) « impopulaire auprès des Américains ». Parallèlement, en Europe cette fois, le parti allemand d’extrême droite AfD montait au créneau contre les théories du Bauhaus et leurs réalisations d’une « laideur abyssale » (sic).
Alors non, on ne compare pas, mais, à travers cette très belle exposition présentant les œuvres de Nolde, Klee, Kokoschka, Kandinsky, Chagall, Picasso, on a repris conscience, la gorge serrée, du danger mortel que peut constituer, pour une société entière, la mise en place d’une idéologie culturelle.
Le dégoût des foules
« Entartete Kunst » (« Art dégénéré »), c’est en effet sous ce titre que furent exhibées, en 1937 à Munich, 600 œuvres d’artistes majeurs de la modernité décrits comme des « malades mentaux », des « criminels », évidemment « juifs » ou « bolcheviques ».
Pour illustrer le catalogue de « l’exposition du Führer », et susciter le dégoût des foules, les nazis tenant d’un « art sain » avaient choisi La Grande Tête, d’Otto Freund […] Lire la suite