Quand Hassan Ismaïl pense à son village natal, Aïta El-Chaab, c’est avant tout la terre ocre de ses champs qui lui revient en mémoire. « C’était une terre riche en métal, mais qui exigeait beaucoup d’eau », explique cet agriculteur de 64 ans. Sa maison, son orgueil, trônait face au mirador d’Al-Raheb, installé par les soldats israéliens sur la ligne de démarcation. Une bâtisse de 200 mètres carrés, aux colonnes de marbre et au jardin impeccablement entretenu, qui suscitait l’admiration de ses voisins.
« J’y ai mis tout mon cœur », confie Hassan, tirant sur son narguilé dans le salon nu de l’appartement de Tripoli où il réside avec sa famille depuis fin septembre. Leur troisième refuge en treize mois de guerre. Le 24 octobre, il a identifié les ruines de sa maison sur des images satellites. La dernière fois qu’il avait pu la visiter, c’était en août, lors des funérailles d’un ami, un rare moment d’accalmie depuis le 8 octobre 2023, date du début de la guerre lancée par le Hezbollah contre Israël, en soutien au Hamas dans la bande de Gaza. Il avait filmé les dégâts : des vitres brisées, des meubles cassés et, dans un coin, le narguilé qu’il avait fumé avant son départ précipité.
Les bombardements israéliens ont commencé à s’abattre sur son village dans la foulée des premiers tirs du Hezbollah. Sa femme, Hoda, leur fille enceinte et sa famille ont alors fui vers Nabatiyé, une cinquantaine de kilomètres plus au nord. Il n’est bientôt plus resté que les combattants du Hezbollah, et Aïta El-Chaab s’est transformée en une ville caserne. Avant la guerre, c’était une petite cité prospère, comptant 12 000 résidents permanents et le double l’été, lorsque les membres de la diaspora venaient y passer leurs vacances. Pharmacies, boutiques, restaurants, et même une station-service, attiraient les habitants des villages environnants.
Les soldats israéliens y ont pénétré, mi-octobre. « Les Israéliens ont planté un drapeau sur mon village. J’ai vu les photos », dit Hassan, les yeux pleins de tristesse. Dans une vidéo publiée sur X, le 22 octobre, une demi-douzaine de bâtiments s’effondrent en un instant, après un dynamitage qui recouvre le vieux village d’un nuage de poussière et de débris. En tout, les deux tiers des constructions ont été démolies ou endommagées, selon une analyse du service infographie du Monde, faite à partir de données fournies par les chercheurs Corey Scher, de l’université de New York, et Jamon Van Den Hoek, de l’université d’Etat de l’Oregon.
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