La conférence mondiale sur le climat de Bakou s’est achevée entre colère et déception pour l’Afrique. Alors que les négociations ont joué les prolongations tard dans la nuit de samedi à dimanche, c’est avec le sentiment de se faire tordre le bras, que les délégués africains encore présents dans la capitale azerbaïdjanaise ont accepté un accord qui ne répond en rien à leurs principales attentes. Le financement promis pour 2035 est « trop faible, trop tardif et trop ambigu. L’Afrique quitte Bakou avec réalisme et résignation car la COP29 se termine bien en deçà de nos attentes. Quand l’Afrique perd, le monde perd », a déploré Ali Mohamed, l’envoyé spécial du président kényan William Ruto et porte-parole du groupe Afrique.
Les 300 milliards de dollars (287 milliards d’euros) par an arrachés aux pays industrialisés sont en effet très loin des 1 300 milliards de dollars proposés par le continent pour pouvoir financer les besoins de la transition énergétique et l’adaptation aux conséquences de plus en plus lourdes du dérèglement climatique. Le chiffre souhaité pour ce nouvel objectif de finance climatique – New collective quantified Goal (NCQG) – figure dans le texte de conclusions mais sa matérialisation repose sur la seule volonté de tous les acteurs, publics comme privés.
Quelques heures avant le coup de marteau final, le groupe Afrique avait une nouvelle fois réitéré ses « lignes rouges » dénonçant une proposition très inférieure aux besoins et qui sape tous les espoirs des pays en développement. « Ajusté de l’inflation, ce chiffre de 300 milliards est même inférieur aux 100 milliards promis en 2009 » avait-il mis en garde. Les décisions prises à Bakou n’apportent pas non plus de réponses aux demandes sur un rééquilibrage des financements entre l’adaptation et l’atténuation. Ni les garanties pour que cette finance climatique soit apportée aux pays les plus vulnérables sous forme de dons et non de prêts venant alourdir l’endettement des Etats. L’Afrique demandait qu’une cible claire de financement soit adoptée pour l’atténuation, l’adaptation et la prise en charge des pertes et dommages, ces impacts irréversibles provoqués par le réchauffement.
Chantage à l’arrivée de Donald Trump
Dans ces conditions, fallait-il tout de même approuver l’accord ? Les négociateurs ont été face à ce dilemme jusqu’au dernier moment. Présent à Bakou, Augustine Njamnshi, cofondateur de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA), qui réunit 2 000 organisations de la société civile, résume la frustration éprouvée : « Cet accord ne sert pas nos intérêts mais c’était cela ou rien. Nous avons été face à un chantage dans lequel les Européens en particulier ont brandi l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche ou la montée des partis d’extrême droite au pouvoir en Europe pour nous faire comprendre que nous avions davantage à perdre qu’à gagner en refusant l’accord. Encore une fois, l’Afrique et les pays en développement se sont retrouvés au pied du mur. »
Dans cette atmosphère tendue, l’Afrique n’est pas non plus parvenue à faire avancer la discussion sur l’attribution d’un statut spécial qu’elle réclame depuis 2015 au nom des circonstances particulières auxquelles fait face le continent : région du monde qui a le moins contribué au réchauffement mais qui en subit d’ores et déjà les conséquences les plus sévères dans un contexte de pauvreté toujours massif. Hostiles à cette reconnaissance qui pourrait conduire à accorder à l’Afrique un soutien spécifique, plusieurs pays d’Amérique du Sud s’y sont opposés.
L’aboutissement des négociations sur l’article 6 de l’accord de Paris qui fixe les règles des marchés carbone est au final le seul progrès dont puissent se satisfaire les Etats qui attendent beaucoup des mécanismes de marché pour trouver de nouvelles sources de financement. L’article 6 définit les conditions de transfert des réductions d’émissions entre Etats, prévu dans l’accord de Paris. Les multinationales qui se sont fixé la neutralité carbone comme objectif à l’horizon 2050 pourront également utiliser le mécanisme onusien.
Voix des populations locales
En tant que continent faiblement émetteur, l’Afrique espère tirer parti des marges dont elles disposent pour valoriser ses droits à polluer. Plusieurs pays comme le Ghana ou le Kenya ont déjà passé des accords avec des pays industrialisés. Cette architecture qui selon ses promoteurs, devrait drainer des investissements inquiète cependant les organisations de la société civile qui redoutent que la voix des populations locales soit peu prise en compte. Des clauses de sauvegarde environnementale et sociale ainsi qu’un mécanisme de plainte sont prévus. « Les discussions sur le financement de la lutte contre le réchauffement glissent de plus en plus vers des questions d’investissement. Le sort des populations les plus vulnérables ne devrait pas être placé entre les mains du business. L’article 9 de l’accord de Paris stipule qu’il est de responsabilité des pays développés de fournir des ressources aux pays en développement », rappelle Augustine Njamnshi au nom de PACJA.