« Toute ma vie a changé radicalement. Même ma silhouette a changé, j’ai pris 30 kilos… » Jani Silva est une figure de la défense de l’environnement et des droits des populations paysannes de la région de Putumayo, au sud-ouest de la Colombie. Elle dénonce, notamment, les dégâts provoqués par l’exploitation pétrolière.
Ce combat a fait d’elle une cible : à la tête d’une organisation communautaire, elle reçoit des menaces depuis près d’une dizaine d’années. « Des groupes armés menacent de la tuer pour faire taire l’une des voix les plus fortes du Putumayo », s’alarmait l’organisation Amnesty International en 2020. Le 10 septembre, Jani Silva a de nouveau reçu un appel téléphonique lui promettant de la « faire exploser, sa voiture et le reste ».
Pour tenter de se mettre à l’abri, Jani Silva a quitté sa ferme et son village. « Je n’aime pas la ville, raconte-t-elle depuis Cali, où elle participe à la 16e conférence mondiale sur la biodiversité (COP16). Pour ne pas laisser gagner ceux qui exercent la violence, il faut sacrifier sa famille, son travail, ses loisirs. Et même s’ils ne vous tuent pas avec des balles, petit à petit ils mettent fin à votre existence en tant que paysan, à ce contact direct que l’on entretient avec la terre. »
Alors que le monde entier est réuni en Colombie à l’occasion de la COP, le pays se présente en champion de la protection de la biodiversité et appelle à « faire la paix avec la nature ». Il reste pourtant l’un de plus dangereux pour les défenseurs de l’environnement : en 2023, l’organisation britannique Global Witness y a recensé 79 assassinats, soit 40 % de tous les assassinats commis dans le monde.
« Violences et d’intimidations »
Le chiffre est le plus élevé jamais enregistré dans un pays depuis 2012, date du début du suivi assuré par Global Witness. Et sur la période 2012-2024, la Colombie arrive aussi au premier rang (avec 461 assassinats), devant le Brésil (401). Outre les meurtres, les défenseurs sont victimes de « violences, d’intimidations, de campagne de discrédit et de criminalisation », et un grand nombre de ces actes ne sont jamais signalés.
Un rapport onusien, publié juste avant l’ouverture de la COP16, confirme ce constat : ceux qui défendent « le droit à un environnement propre, sain et soutenable » ou « les droits de la terre et du territoire » en Colombie mettent en danger leur vie et leur intégrité personnelle, écrit le bureau local du haut-commissaire pour les droits de l’homme de l’ONU.
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