En sa qualité de chef de l’Inspection générale des affaires culturelles, Noël Corbin a mené une enquête administrative sur la sécurité du musée du Louvre dont il a présenté ses conclusions devant la commission de la culture du Sénat ce mercredi 10 décembre. Et le constat est plutôt accablant pour le célèbre musée parisien, victime d’un vol de bijoux à l’écho planétaire le 19 octobre dernier.
Avant le vol au Louvre, sa présidente était persuadée que la galerie d’Apollon était sécurisée
Devant les sénateurs, le patron de l’Igeac a eu l’occasion de lister une série de déconvenues pour les différents services de sécurité du Louvre. Tout en expliquant les raisons de ces défaillances. Son premier constat n’en reste pas moins sévère, car selon lui, tout s’est joué à une poignée de secondes. 30 pour être exact. Ce 19 octobre, « à 30 secondes près, les agents de (la société de sécurité privée, ndlr) Securitas ou les policiers auraient pu empêcher la fuite des voleurs », a ainsi estimé Noël Corbin.
Un délai que son enquête est d’ailleurs capable d’expliquer. Car celle-ci, ordonnée par le ministère de la Culture, a permis de révéler qu’une seule caméra (sur deux) fonctionnait à proximité du lieu où se sont introduits les cambrioleurs en plein jour. De plus, les agents de sécurité dans la salle de contrôle du musée ne disposaient pas du nombre d’écrans suffisants pour suivre les voleurs en temps réel. De ce fait, les images n’ont pas été regardées en direct et lorsqu’un agent de la sécurité les a activées, « il était alors trop tard puisque les voleurs avaient quitté la galerie d’Apollon » où étaient exposés des joyaux de la Couronne.
Pourtant, une caméra extérieure a « bien filmé l’arrivée des voleurs, l’installation de la nacelle, la montée des deux voleurs jusqu’au balcon et, quelques minutes plus tard, leur départ précipité », selon l’autre rapporteur de l’enquête, Pascal Mignerey, de la Mission sécurité, sûreté et d’audit (Missa) au ministère de la Culture. À cela s’ajoute une mauvaise coordination car les policiers prévenus du vol et envoyés sur place pour arrêter les intrus ont été dirigés vers le Carrousel du Louvre. Donc dans la mauvaise direction. De quoi faire perdre de précieuses secondes pour les appréhender avec les bijoux.
« Des dysfonctionnements successifs qui amènent la catastrophe »
Ces circonstances du casse illustrent « la défaillance générale du musée comme de sa tutelle dans la prise en compte des enjeux de sûreté », a donc jugé le président de la commission, le sénateur centriste Laurent Lafon. Un constat relayé par Noël Corbin qui, en menant l’enquête administrative a été « très fortement surpris » de constater qu’un musée « gigantesque » et « iconique » comme le Louvre « puisse être aussi fragile ».
Le commissaire de police Guy Tubiana, un expert de la sécurité des musées ayant participé à l’enquête juge d’ailleurs que « ce sont des dysfonctionnements successifs qui amènent la catastrophe ». « Mais je n’aurais jamais cru que le Louvre puisse avoir tellement de dysfonctionnements », a-t-il ajouté.
Dans son enquête administrative, Noël Corbin a aussi pointé « le problème de transmission des audits de sûreté » au sein du musée, notamment lors du changement à sa présidence en 2021 et l’arrivée de Laurence des Cars. Comme symbole de ce manque de « mémoire », il cite un audit réalisé en 2019 par le joaillier Van Cleef and Arpels, qui avait identifié toutes les faiblesses de la galerie d’Apollon. Mais celui-ci n’avait pas été porté à la connaissance de la nouvelle direction. Un constat encore plus accablant quand on se penche sur les recommandations portées par cet audit. Car elles concernaient notamment le balcon et la fenêtre par lesquels sont entrés les voleurs. Elles « auraient pu permettre de prendre les mesures susceptibles d’éviter l’intrusion par l’extérieur », selon le chef de l’Inspection générale des affaires culturelles.
L’ancien président du Louvre entre 2013 et 2021, Jean-Luc Martinez, silencieux jusqu’à présent, aura l’occasion de s’expliquer sur ces nouvelles mises en cause devant la commission du Sénat dès mardi prochain. Le lendemain, les sénateurs interrogeront de nouveau Laurence des Cars, sous forte pression au milieu d’un appel à la grève reconductible la semaine prochaine et après une offre de démission qui a été rejetée par le gouvernement.
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