Les contours du congé de naissance se précisent et laissent les associations féministes sceptiques. Annoncé par Emmanuel Macron en janvier 2024 en vue d’un « réarmement démographique » face à la baisse de la natalité et prévu dans le budget de la Sécu 2026, ce congé supplémentaire sera d’un à deux mois par parent. Il s’ajoute aux congés maternité (16 semaines) et paternité (28 jours) existants, avec un niveau d’indemnisation plus élevé que le congé parental actuel, également maintenu.
Tous les parents d’un bébé né à partir du 1er janvier 2026 pourront bénéficier du congé de naissance, même s’ils devront attendre l’entrée en vigueur technique du dispositif, dans « le courant de l’année », a annoncé le ministère de la Santé à l’AFP ce jeudi 18 décembre.
Le montant d’indemnisation doit être fixé par décret, mais lors des débats parlementaires, l’exécutif a annoncé qu’il s’élèverait à 70% du salaire net le premier mois et 60% le second.
Un dispositif qui « reste assez léger »
Pour Elsa Foucraut, de l’association Parents et Féministes, il est « positif » d’avoir réformé le système des congés destinés aux parents, qui n’était « pas satisfaisant », notamment en raison de la très faible indemnisation du congé parental. Mais elle juge que le nouveau congé de naissance est un dispositif « sous-dimensionné ». « Emmanuel Macron parlait de six mois dans son discours (de janvier 2024, NDLR), là, on est à deux mois pour chaque parent. C’est bien, mais ça reste assez léger, cela permet seulement de couvrir les six premiers mois de l’enfant », déplore Elsa Foucraut.
L’association craint surtout que ce congé soit pris presque uniquement par des femmes. Le collectif féministe Nous Toutes souligne que ce risque est amplifié par les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes. « Cela va retomber probablement sur le parent qui a la rémunération la plus faible, statistiquement la mère. Cela revient à garder la mère à la maison et ne favorise pas du tout une égalité de traitement entre les femmes et les hommes », dénonce Emmanuelle Handschuh, militante du collectif.
Aujourd’hui déjà, le congé parental n’est utilisé que par très peu de pères. Une étude de l’OFCE, le centre de recherche en économie de Sciences Po, publiée en 2021 expliquait qu’en 2015, 0,5% des pères avaient recours au congé à taux plein lors de la première année de leur premier enfant, contre 13,7% des mères. Dans son estimation du coût que représentera le congé de naissance, en annexe du budget, le gouvernement a lui-même anticipé que trois ans après sa mise en place, le premier mois de ce congé serait pris par 55% des mères, contre 20% des pères.
Débats sur la date d’application
Le calendrier de son application, initialement fixée à juillet 2027, a fait débat au Parlement. Elle a été avancée à l’Assemblée nationale à janvier 2026, puis décalée à janvier 2027 au Sénat – où ont notamment été mises en avant des contraintes techniques – avant d’être finalement fixée à janvier 2026 dans le texte définitivement adopté mardi au Palais Bourbon.
Ce congé « est très attendu par les Français (…). Évidemment, nous allons respecter la loi, même si j’avais pu dire qu’il y avait des sujets techniques pour y arriver. Donc, on va le faire, on va y arriver, mais de façon dégradée », avait déclaré jeudi après-midi sur Franceinfo la ministre de la Santé, Stéphanie Rist.
L’entrée en vigueur dès le 1er janvier 2026 « n’est techniquement pas envisageable ni sécurisée pour les employeurs, comme cela avait été souligné par le gouvernement dans le cadre des débats parlementaires. Les équipes sont pleinement mobilisées pour permettre une entrée en vigueur dans le courant de l’année 2026 », a précisé à l’AFP le ministère.
« Le gouvernement s’engage à ce que les parents ayant eu un enfant à partir du 1er janvier 2026 puissent bénéficier de ce congé à partir de son entrée en vigueur qui interviendra dans le courant de l’année », et les modalités d’application « seront précisées aux futurs parents et aux employeurs dans les prochains jours », a-t-on ajouté de même source.
« C’est très bien que ça ait été avancé, mais beaucoup de parlementaires se sont focalisés là-dessus, sans voir à long terme », réagit Margaux Gandelon, présidente de l’association Mam’en solo, qui défend les droits des femmes célibataires en parcours PMA et les mamans solos par choix.
Une indemnisation trop faible pour les plus précaires
Elle juge « important que les planchers d’indemnisation soient relevés: une femme qui de base est à temps partiel au Smic, si elle a 70% de cela, elle ne pourra pas prendre le congé de naissance! »
Même son de cloche du côté du collectif Nous Toutes: « le risque, c’est que chez les couples précaires, ce congé ne soit pas pris parce qu’il engendrerait une baisse de rémunération qui ne serait pas absorbable », explique Emmanuelle Handschuh. Résultat: « les enfants ne seront pas accueillis de la même façon dans toutes les familles ».
Margaux Gandelon déplore que d’autres situations n’aient pas été prises en compte, comme celles des mamans solos. « En tant qu’association de mamans solos par choix, on voudrait que nos enfants soient égaux aux autres, en pouvant cumuler le congé de naissance », déclare-t-elle. « C’est une discrimination pour les enfants d’avoir des congés potentiels de leur parent divisés en deux. Il faudrait que les mamans solos puissent prendre les deux congés, avec deux mois à 70% et deux mois à 60% ».
Un congé paternité trop court
Pour garantir une réelle égalité au sein des couples, les associations sont unanimes sur la demande d’un congé paternité plus long, avec une part obligatoire. « Un congé paternité étendu, c’est bénéfique à la fois pour les parents et les enfants. Nous plaidons pour un congé paternité d’au moins huit semaines avec un mois obligatoire », affirme Elsa Foucraut, de l’association Parents et féministes.
Dans un avis publié début décembre, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, une commission placée sous l’autorité du Premier ministre, jugeait aussi la durée du nouveau congé de naissance, « limitée à deux mois par parent, est encore trop courte », tout en saluant un dispositif qui « va dans la bonne direction ».
Car pour réellement œuvrer en faveur de l’égalité femmes-hommes dans la parentalité, le chemin est encore long, insiste le collectif Nous Toutes. « Nous demandons une égalité des rémunérations, de l’accès à l’emploi, et de cesser de creuser des écarts entre les personnes les plus riches et les plus pauvres », affirme Emmanuelle Handschuh.
Article original publié sur BFMTV.com










