ARTE.TV – À LA DEMANDE – MINISÉRIE
A la radio, à la télé, en librairie − où son autobiographie, La Femme en moi (JC Lattès, 2023), côtoie Pour Britney (P.O.L, 2024), l’essai que l’autrice Louise Chennevière vient de lui consacrer −, Britney Spears tourne en boucle. C’est dire la fascination que continue de susciter la carrière de l’icône pop, adulée pour ses tubes sexy et badass avant d’être jetée en pâture à la presse people et aux réseaux sociaux.
C’est parce que la réalisatrice de Britney sans filtre a elle-même grandi en écoutant Baby One More Time (1998) et en singeant les chorégraphies suggestives de la petite princesse de la pop. Vingt-sept ans après la sortie du premier tube, Jeanne Burel propose une dissection de la carrière de la chanteuse en cinq chapitres, dont chacun emprunte son titre à la discographie de l’Américaine.
Née en 1981, dans un milieu modeste, white trash, diront certains, Britney Spears est formée à l’école américaine des talents multiples − chant, danse, comédie musicale… Un mot revient dans la description que les journalistes et universitaires interrogés dans le documentaire en font, « wholesome » (« saine », « pure »).
Violence insoutenable
Les images d’archives de Britney Spears enfant font pourtant froid dans le dos tant on a l’impression de voir se produire un petit singe savant. Membre de la troupe du Mickey Mouse Club (aux côtés de Justin Timberlake, Ryan Gosling…), elle amuse la galerie jusqu’à ses 18 ans, puis enregistre un premier album mi-sage mi-sexy au succès colossal. Le retour de bâton sera cinglant.
Le documentaire rappelle à quelle sauce médiatique la jeune femme fut mangée après que son deuxième album, plus osé que le premier, eut heurté les milieux conservateurs : « Etes-vous vierge ? » ; « Vos seins sont-ils refaits ? » ; « Etes-vous célibataire ? »
La popularité de Britney Spears coïncide avec l’essor de la télévision poubelle, et ces vidéos, qu’on avait oubliées ou tout simplement jamais vues, sont d’une violence insoutenable. La suite est connue : pétage de plombs, rasage de tête sous l’œil des paparazzi.
Pourtant, tout le monde laisse faire, car, comme le souligne une intervenante, « elle est beaucoup plus divertissante comme ça ». Qui n’a pas ri devant la vidéo devenue virale de cette fan demandant, la morve au nez, qu’on « laisse Britney tranquille » ? Et qui se rappelle sa mise sous tutelle paternelle en 2008, alors qu’elle a 26 ans et deux enfants ?
Le Monde Ateliers
Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
Découvrir
Il faut attendre 2021 et le mouvement Free Britney, émanation de son immense communauté de fans, pour que la tutelle soit levée. Dans le dernier volet de la série, on entend un fragment de son audience devant la justice, dans lequel elle dénonce, d’une voix méconnaissable, des conditions de travail comparables au trafic sexuel.
C’est dans ses dernières minutes que le documentaire touche au plus près de son sujet, et c’est paradoxalement là qu’il atteint ses limites. A vouloir ratisser large dans un format aussi restreint, la série ne prend sans doute pas assez le temps de développer sa conclusion la plus intéressante. Si le parcours de la star nous parle de célébrité, de puritanisme, de l’Amérique et de notre rapport aux idoles, il en dit surtout long sur comment la société traite les femmes. Les 42 millions de followers du compte Instagram de la star sont bien placés pour savoir que, si les choses ont changé, certaines femmes ne s’en sont jamais remises.
Britney sans filtre, série documentaire de Jeanne Burel (Fr., 2025, 5 × 12 min). A la demande sur Arte.tv.