Un cadeau de Noël. La liste des ministres et des secrétaires d’État qui composent le gouvernement de François Bayrou – plus de 30, malgré la promesse classique d’une équipe « resserrée » – a été dévoilée par Alexis Kohler, le secrétaire de l’Elysée, sur le perron du palais présidentiel.
L’annonce attendue la semaine dernière, puis lundi matin, a été reportée à 18h40 du fait du deuil national en hommage aux victimes du cyclone Chido à Mayotte, avec notamment une minute de silence observée à 11 heures à l’Élysée et à Matignon.
« Scénario d’indécence »
Estelle Youssouffa, députée LIOT de Mayotte, avait vivement critiqué ce calendrier sur le réseau social X et avait demandé au couple exécutif de ne pas dévoiler les membres du gouvernement le jour du deuil, accusant Paris de négliger l’île, « toujours en détresse absolue« .
Les revenants : Valls « un peu kamikaze« , Borne affrontera « le premier défi du pays«
Plusieurs personnalités politiques de poids reviennent aux affaires :
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Élisabeth Borne, ancienne Première ministre et numéro 2 dans l’ordre protocolaire, prend le grand ministère de l’Éducation nationale élargi à l’Enseignement supérieur et à la Recherche,
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Gérald Darmanin est nommé ministre de la Justice,
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Manuel Valls, ancien Premier ministre de François Hollande, qui était notamment chargé du dossier de la Nouvelle-Calédonie, devient ministre des Outre-mer.
Dans une interview à BFM-TV, François Bayrou a salué le retour de Valls au gouvernement en parlant d’une personnalité « un peu kamikaze« , « naturellement en conflit avec la gauche ».
De nombreux membres du gouvernement démissionnaire ont conservé leur portefeuille, c’est le cas du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, un des rares dans l’équipe Barnier à avoir imprimé, ou encore de Rachida Dati, ministre de la Culture, et de Sébastien Lecornu, ministre des Armées.
Jean-Noël Barrot garde le Quai d’Orsay.
Le ministère de l’Économie est confié à Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts.
Rare prise à la gauche : François Rebsamen, ancien maire de Dijon et ministre socialiste, en rupture avec le parti, est le nouveau ministre de l’Aménagement des territoires et de la Décentralisation.
Xavier Bertrand ne sera pas ministre
Le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand, en total désamour avec le RN, qui était pressenti à la Justice, a déclaré que le Premier ministre avait changé d’avis entre-temps, ajoutant que de toute façon il refusait de « participer à un gouvernement de la France formé avec l’aval de Marine Le Pen« .
En répondant aux questions de BFM-TV, le chef du gouvernement s’est défendu d’être sous l’influence de Marine Le Pen et a déclaré que Xavier Bertrand n’était pas nommé à la Justice de fait de leur divergences sur la façon de gérer ce ministère régalien.
Une équipe décriée par l’opposition
Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, s’est empressé de condamner le nouveau gouvernement, le qualifiant de « coalition de l’échec ».
De son côté, la présidente du groupe La France Insoumise de gauche radicale, Mathilde Panot, évoque déjà la censure du nouveau gouvernement, composé de « gens désavoués dans les urnes », selon elle.
Une opinion globalement partagée par Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste, qui estime : « On est loin du nouveau monde ! ».
« Ce n’est pas un gouvernement c’est une provocation« , a abondé Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste.
Un gouvernement construit dans la douleur
L’ambition initiale du Haut-commissaire au plan et maire de Pau était de former une équipe gouvernementale « équilibrée » : un tiers de ministres de gauche, un tiers de centre, un tiers de droite, avec une participation de quelques cadors de la politique.
En pratique, François Bayrou qui a proposé de rediscuter les termes de la réforme des retraites « sans la suspendre« , a échoué à convaincre des personnalités du PS à le rejoindre. De surcroît, Les Républicains, la famille politique de son prédécesseur Michel Barnier, se sont interrogés ces derniers jours sur leur participation au gouvernement.
Pour tenter de donner des gages à la droite, François Bayrou a envoyé ce lundi une lettre aux présidents de groupe LR, au Sénat et à l’Assemblée, dans laquelle il s’est notamment engagé à répondre à la crise de « l’autorité de l’État« , à faire des économies sur « toutes les dépenses improductives » et a également promis d’adopter, comme le veut la tradition, « une nouvelle méthode de gouverner« .
Des tractations qui se sont enlisées et les premiers cafouillages de François Bayrou autour de la crise à Mayotte ont fait chuter sa cote de popularité.
Avant même la nomination de son gouvernement, le nouveau Premier ministre ne récoltait que 34 % des opinions favorables auprès des personnes interrogées dans un sondage Ifop pour le JDD.
Le 20 décembre, le fondateur de LFI, Jean-Luc Mélenchon, a prédit : « François Bayrou ne passera pas l’hiver ». En attendant, l’Assemblée nationale étant fermée jusqu’au lundi 13 janvier, aucune motion de censure ne pourrait être examinée hors session parlementaire.
Le premier conseil des ministres se tiendra le 3 janvier.