A la mi-octobre 2023, Isra Hamzi s’apprêtait à faire « une courte promenade » autour de sa maison, à Meiss El-Jabal, un village libanais frontalier de l’Etat hébreu, lorsque de violents bombardements israéliens aux alentours l’ont décidé, elle et sa famille, à prendre la fuite. « Les enfants étaient terrifiés », raconte cette Libanaise de 33 ans, mère de trois enfants, rencontrée à Bayssour, un village dans le massif du Chouf, dans le centre du pays. « J’ai pris quelques documents et vêtements de rechange. Je n’imaginais pas que cette guerre durerait aussi longtemps. »
Isra Hamzi, son mari et leurs trois enfants se sont d’abord réfugiés chez des proches dans la Dahiyé, la banlieue sud de Beyrouth, un bastion du Hezbollah. Mais fin septembre, l’armée israélienne a intensément bombardé ce quartier, les contraignant à se déplacer à nouveau. La famille s’est installée dans une école à Qamatiyé, un village des hauteurs de Beyrouth, qui a été elle aussi bombardée huit jours après leur arrivée, le 6 octobre. En quête d’un abri plus sûr, le mari d’Isra a contacté une connaissance à Bayssour, une localité majoritairement druze. « Viens ici, nous avons de la place pour vous », lui a-t-elle dit.
A cette époque, le restaurant Al-Samir, où la famille d’Isra Hamzi a posé ses valises, près d’un ruisseau, était en train d’être transformé en un centre d’hébergement pour déplacés. Lorsque Israël avait commencé à pilonner les bases du Hezbollah dans tout le Liban, le 23 septembre, Zaher Aridi et son cousin Anis, les gérants de l’établissement, avaient instantanément compris que les habitants du Liban sud ne tarderaient pas à affluer dans le Chouf, comme lors de la guerre entre Israël et le Hezbollah, en 2006. Ils ont donc érigé des cloisons en bois dans la grande salle du restaurant familial, pour y aménager douze pièces séparées, et ont installé des panneaux solaires supplémentaires pour augmenter leur capacité électrique. Des travaux similaires ont été menés dans le centre culturel de Bayssour, qui accueille aujourd’hui 20 familles et prépare 250 repas par jour.
Le projet de la famille Aridi est financé par des donations récoltées au Liban et à l’étranger. En plus du restaurant et du centre culturel, Bayssour compte quatre autres espaces accueillant des déplacés, dont deux écoles. « Ce que nous avons mis en place est loin de répondre à la demande », confie Zaher Aridi, 42 ans. « Nous devons refuser des gens qui nous appellent, désespérés, car nous n’avons plus de place. » La dernière vague de réfugiés est arrivée après l’ordre d’évacuation lancé à tous les habitants de Baalbek, provoquant un exode. « On ne peut pas faire plus. Cette guerre est bien pire que celle de 2006 », ajoute Anis Aridi.
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