Pétro-Etat des rives de la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan se retrouve sous le feu des projecteurs en accueillant, du 11 au 22 novembre, la plus grande conférence de l’ONU sur le climat, la COP29. Débattre des moyens de lutter contre le changement climatique dans un pays dont le président, Ilham Aliev, vante le pétrole comme un « don de Dieu » et dont 92 % des exportations proviennent des énergies fossiles peut paraître contre-intuitif, d’autant plus que l’Azerbaïdjan ne place pas la transition verte au rang de ses propres priorités. « Personne ne peut ignorer le fait que, sans combustible fossile, le monde ne peut pas se développer, du moins dans un avenir prévisible », a justifié en mars le chef de l’Etat.
La priorité de M. Aliev en accueillant la COP29 à Bakou semble plutôt être de redorer son blason et d’acquérir une respectabilité mise à mal par sa gestion autocratique de ce pays de 10 millions d’habitants. Elu en février pour un cinquième mandat d’affilée avec 92 % des voix, au terme d’un scrutin marqué par des irrégularités, Ilham Aliev a succédé en 2003 à son père, Gueïdar Aliev, qui dirigeait déjà l’Azerbaïdjan à l’époque où le pays était une république soviétique. La femme du président Aliev, Mehriban Alieva, est vice-présidente du pays depuis 2017.
Les courageux journalistes locaux dont les enquêtes ont dénoncé les pratiques frauduleuses et la corruption du régime sont en prison. L’Azerbaïdjan figure au 130e rang mondial de l’Economist Democracy Index et à la 164e place – sur 180 – du classement mondial de Reporters sans frontières. La popularité du président Aliev est cependant récemment montée en flèche sous l’effet de la reconquête du Haut-Karabakh, enclave arménienne en territoire azerbaïdjanais reprise en 2023 au prix de l’exode brutal de 100 000 Arméniens.
Dégradation continue des relations Bakou-Paris
Parallèlement à un verdissement subit de Bakou, où des pistes cyclables ont fait leur apparition à l’approche de la COP, la répression s’est accentuée ces derniers mois avec l’arrestation, selon les ONG, de 30 opposants, journalistes et syndicalistes. Il n’existe plus aucune organisation indépendante de défense de l’environnement active en Azerbaïdjan.
Conséquence de la dégradation continue des relations entre Paris et Bakou, en grande partie en raison du soutien de la France à l’Arménie mais aussi de l’assassinat récent d’un réfugié politique azerbaïdjanais à Mulhouse, le président Emmanuel Macron ne se rendra pas à la COP29. La représentation de l’Union européenne, dont la politique climatique est pourtant une priorité, sera plutôt discrète à Bakou : accaparé par la perspective d’élections anticipées en Allemagne, le chancelier Olaf Scholz a annulé son voyage, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, n’ira pas non plus. Il faut espérer que la question de la dépendance continue du Vieux Continent à l’égard du pétrole et du gaz azerbaïdjanais ainsi que du gaz liquéfié de Russie, dont la France reste grosse consommatrice, sera malgré tout posée.
Les Azerbaïdjanais ne disposent plus actuellement d’aucun mécanisme efficace leur permettant de tirer le signal d’alarme sur les problèmes environnementaux, notamment sur les effets de la pollution résultant de l’industrie pétrolière et gazière. La lutte contre le réchauffement climatique ne peut se faire sans la participation de la société civile. C’est le message que les dirigeants et les diplomates réunis à Bakou doivent porter auprès du président Aliev.