L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
Serait-on amateur d’expression artistique, tenant à cet égard de la primauté de la mise en forme sur le contenu, il faudrait reconnaître qu’en certaines occasions, l’histoire, par son exceptionnalité, sa puissance, sa teneur édifiante, emporte tout sur son passage. La raconterait-on avec les pieds qu’on lui trouverait de l’intérêt. Ce n’est pas viser particulièrement l’approche de Halkawt Mustafa, réalisateur kurde irakien installé en Norvège, que de le préciser, tant cette vérité pose, en contrepartie, un problème à celui qui veut la mettre en scène.
Alors disons que Halkawt Mustafa a décidé un jour de rencontrer l’homme qui a caché Saddam Hussein (1937-2006) dans son jardin, et qu’il a procédé un peu télévisuellement, en intriquant le témoignage de son personnage avec une reconstitution forcément un peu sommaire des événements qu’il raconte.
Il s’appelle Alaa Namiq. C’est un homme fruste, éminemment sympathique, un paysan d’un village jouxtant le Tigre, qui a vu débarquer un beau matin Saddam Hussein dans son jardin, avec, dans son sillage, 150 000 soldats américains qui ne lui veulent pas du bien. Namiq, c’est quand même le type réglo pour qui Saddam représente une sorte de semi-divinité. Il satisfait, par ailleurs, au sacro-saint principe de l’hospitalité orientale. Il l’accueille enfin d’autant plus volontiers que Saddam n’est pas au mieux de sa forme. Trois gars en armes l’accompagnent, certes, mais il a beaucoup perdu de son aura, et l’on voit bien qu’il n’a pas l’ombre d’une arme de destruction massive dans sa vareuse.
Amitié naissante
Alaa Namiq va donc dormir dans la forêt avec lui, histoire que Saddam se repose avant de passer de l’autre côté du fleuve où des partisans lui sont restés fidèles. Mais la chose s’avère déjà trop dangereuse. Aussi Alaa invite-t-il Saddam à loger chez lui, et à se cacher, en cas d’alerte, dans un trou qu’il lui aménage dans un massif de fleurs de son jardin. Et Saddam, qui n’a visiblement que peu d’options, obtempère.
Alaa raconte, le plus naturellement du monde, leur cohabitation. Leur amitié naissante. Les bains qu’ils prenaient de concert. L’affliction qui les a touchés lorsque la nouvelle de la mort de ses deux fils a été rendue publique, Alaa, belle âme, allant jusqu’à déclarer à Saddam qu’il était dorénavant son fils. Il est vrai que le dirigeant déchu, enfermé à ne rien faire toute la journée dans la maison de son ami, commençait à franchement décompenser malgré les plans de reconquête qu’il consignait quotidiennement sur des feuilles de papier.
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