POLITIQUE – Comme pour en dramatiser les enjeux, ils parlent de « l’heure de vérité ». C’est peu dire que les socialistes attendent François Bayrou au tournant. Le Premier ministre, qui fera sa déclaration de politique générale (DPG) ce mardi 14 janvier, prononcera-t-il les mots de « suspension », « d’abrogation » ou de « gel » de la réforme des retraites ? Fera-t-il un pas vers plus de justice fiscale ? S’engagera-t-il à ne supprimer aucun poste dans l’Éducation nationale et la Santé, à injecter plusieurs milliards d’euros supplémentaires dans la transition écologique et à rehausser les salaires ?
Lyes Louffok du NFP en tête de la législative partielle en Isère, devant la macroniste Camille Galliard-Minier
En attendant sa prise de parole, les socialistes montent au filet. L’opération, bien rodée, a commencé par une interview d’Olivier Faure à Libération ce 13 janvier. Tout en se réjouissant de n’avoir « jamais connu un dialogue aussi nourri depuis sept ans », le Premier secrétaire du PS regrette que « pour l’heure, le compte n’y soit pas encore ». Façon de resserrer la pression autour de François Bayrou et de remettre la focale autour de thématiques « de gauche » largement délaissées par les précédents gouvernements.
La deuxième étape a consisté en une interview donnée, elle aussi, à un quotidien national. Dans le Monde, Boris Vallaud prend à témoin les Français. « Ils ne comprendraient pas une fin de non-recevoir du Premier ministre », alerte le président du groupe PS à l’Assemblée, tout en enjoignant le gouvernement à faire « des compromis sérieux » et à permettre « des avancées significatives pour répondre aux urgences quotidiennes des Français ».
« Un nœud important »
Dans toutes leurs interventions, les représentants du parti au poing et à la rose placent l’annulation de la réforme des retraites en haut de leurs revendications. Réforme honnie, qui a réuni contre elle 90 % des actifs et jeté dans la rue des millions de manifestants il y a deux ans, elle continue d’irriguer le discours de la gauche. « C’est un nœud extrêmement important », concède Boris Vallaud. Pour le député des Landes, « il y a dans cette demande de suspension la possibilité d’une double réparation : réparation d’une injustice sociale et d’une injustice démocratique ».
Si les socialistes insistent autant sur ce point, c’est qu’ils se savent attendus par l’électorat de gauche. Et ces derniers jours, ils ont semblé hésitants voire abscons sur l’issue qu’ils souhaitaient donner à cette réforme. Le député PS Jérôme Guedj a lancé un appel le 10 janvier au micro de Sud Radio à « mettre la question de la retraite par points sur la table ». Le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner a demandé au même moment la suspension de la réforme des retraites pour « six mois ». Deux sorties peu maîtrisées, prises individuellement, qui ont aussitôt été recadrées.
« Exercice de disqualification »
Les socialistes le savent : ils vivent sous l’épée de Damoclès de La France insoumise, qui ne manque pas d’instruire le procès en trahison. Conscients de leur rôle central dans l’affaire, les intéressés n’en ont cure et poursuivent leur chemin, sûrs de pouvoir reprendre du poil de la bête. « Jean-Luc Mélenchon est dans un exercice de disqualification et cherche à faire passer tous ceux qui ont le courage de ne pas se limiter à l’incantation pour des renégats », étrille Olivier Faure. Boris Vallaud se veut plus mesuré : « Nous ne trahissons rien, nous ne renonçons ni à nos convictions ni à nos désaccords. Nous ne rentrons pas dans le gouvernement. La France insoumise a été invitée et pourrait être dans les discussions, mais elle a fait le choix de ne pas en être ».
Selon plusieurs proches, Olivier Faure entend s’inscrire dans les pas de certains de ses illustres prédécesseurs, dont Michel Rocard, auprès duquel le député de Seine-et-Marne a débuté en politique. Une manière, pense-t-il, de se rapprocher de sa « culture du compromis ». Mais aussi de jouer le tout-pour-le-tout avant un congrès interne qui s’annonce serré. L’attitude de Faure est saluée y compris par ses opposants, tel François Hollande qui juge que le comportement de son Premier secrétaire dans la séquence « est le bon ».
Le dialogue continue, puisqu’Olivier Faure doit avoir « un échange » avec le Premier ministre en fin de journée ce lundi pour ajuster les derniers réglages et voir si un accord de non-censure est envisageable. Quelques heures donc, avant une déclaration de politique générale très attendue.
À voir également sur Le HuffPost :
Grégory Doucet, maire de Lyon, menacé dans des tags sur un futur centre d’accueil pour mineurs étrangers
Marine Tondelier fait son mea culpa après une erreur de chiffres sur Gaza