Imbroglio autour de l’arrestation de la cheffe de l’opposition vénézuélienne. Maria Corina Machado, dont l’équipe avait annoncé, jeudi 9 janvier, l’arrestation après la manifestation anti-Maduro à Caracas, a été « libérée » après avoir été « emmenée de force », selon son équipe. Une version démentie par le gouvernement, qui parle de « mensonge » et nie l’avoir arrêtée.
« Maria Corina Machado a été interceptée et renversée de la moto qu’elle conduisait. (…) Elle a été emmenée de force. Pendant son enlèvement, elle a été forcée d’enregistrer plusieurs vidéos et a été relâchée par la suite », écrit son équipe sur X, en précisant qu’elle « s’adressera au pays pour expliquer les faits ». Le ministre de l’intérieur, Diosdado Cabello, a lui parlé d’une « invention, un mensonge ».
Une source au sein de l’opposition a affirmé plus tôt à l’Agence France-Presse (AFP) que la dirigeante avait été arrêtée en quittant la manifestation. Quelques minutes auparavant, son équipe avait annoncé sur X qu’elle avait été « violemment interceptée à sa sortie de la manifestation » en moto. Selon le message sur X, des coups de feu ont été tirés sur le cortège de motos qui l’accompagnaient.
Elle avait envisagé une éventuelle arrestation, confiant lundi à l’AFP : « Si quelque chose m’arrive, la consigne est très claire (…), personne ne négociera la liberté du Venezuela contre ma liberté ». Elle avait aussi assuré ne vouloir « manquer pour rien au monde [le] jour historique » de la manifestation.
Lors des dernières grandes manifestations en août, Mme Machado, 57 ans, apparaissait subitement à un coin de rue pour monter sur un camion podium, haranguait la foule puis disparaissait rapidement à moto pour échapper à une arrestation. Les forces de l’ordre semblent avoir contré jeudi ce modus operandi.
« Nous n’avons pas peur »
Jeudi, elle était une nouvelle fois arrivée en camion, vêtue de blanc et brandissant un drapeau vénézuélien, et avait prononcé un court discours dans lequel elle avait lancé : « Tout le Venezuela est dans la rue, nous n’avons pas peur ! A partir d’aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle phase. Le Venezuela est libre, nous allons continuer ! »
Les autorités avaient massivement déployé les forces de l’ordre dans le pays, particulièrement dans la capitale. Concluant à Saint-Domingue une tournée internationale, l’opposant Edmundo Gonzalez Urrutia, qui revendique la victoire à la présidentielle, avait réclamé la « libération immédiate » de Mme Machado. « Nous nous verrons tous très bientôt à Caracas, en liberté », a-t-il lancé.
Le gouvernement espagnol a exprimé jeudi son « inquiétude » et sa « condamnation totale » après la brève arrestation de Mme Machado. « Devant la nouvelle de la détention de Maria Corina Machado, nous exprimons notre condamnation totale et notre inquiétude », a affirmé dans un communiqué le ministère des affaires étrangères espagnol, en réclamant que l’ensemble des responsables de l’opposition au Venezuela soit « protégé et préservé ».
Une marche « pour la paix » en faveur du président était organisée par le pouvoir, rassemblant des milliers de supporteurs, comme celle de l’opposition. Brandissant des drapeaux du Venezuela et portant souvent des vêtements rouges, les partisans du pouvoir, parmi lesquels le ministre de l’intérieur, Diosdado Cabello, sont partis de l’est de Caracas pour rallier le centre-ville.
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Des marches similaires ont eu lieu à travers le pays, selon des images de la télévision publique. L’opposition revendique la victoire d’Edmundo Gonzalez Urrutia à la présidentielle. Elle assure que les procès-verbaux des bureaux de vote qu’elle a recueillis prouvent que l’ancien diplomate a remporté le scrutin haut la main – plus de 67 % des voix – face à « un régime qui se sait battu » et isolé sur le plan international.
L’ONU « profondément inquiète »
Le Conseil national électoral (CNE) a proclamé le président sortant vainqueur du scrutin avec 52 % des voix, mais sans publier les procès-verbaux, se disant victime d’un piratage informatique. Une hypothèse jugée peu crédible par de nombreux observateurs.
L’annonce du CNE avait provoqué des manifestations dans tout le pays, durement réprimées. Les troubles post-électoraux se sont soldés par 28 morts, plus de 200 blessés, et 2 400 personnes arrêtées pour « terrorisme ».
Les forces de sécurité ont procédé à de nombreuses arrestations ces derniers jours : quelque 150 personnes, dont un présumé responsable du FBI (police fédérale américaine) et un militaire américain, selon M. Maduro, qui a évoqué une « agression » financée par les Etats-Unis.
Washington, qui ne reconnaît pas la victoire de M. Maduro, a qualifié de « catégoriquement fausse » toute accusation de participation « à un complot visant à renverser Maduro », selon un porte-parole du département d’Etat.
L’ONU s’est dite « profondément inquiète », jeudi, de la détention d’opposants politiques, notamment celle de M. Correa, a écrit Volker Türk, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme. Carlos Correa, directeur d’Espacio Publico, une ONG réputée de défense des droits humains, Enrique Marquez, figure de l’opposition vénézuélienne, et le gendre de M. Gonzalez Urrutia font partie des personnes arrêtées.
Exilé en Espagne depuis septembre, M. Gonzalez Urrutia termine en République dominicaine une tournée qui l’a notamment mené à la Maison Blanche. Il avait envisagé d’aller à Caracas, vendredi, pour prêter serment à la place de M.Maduro, un projet jugé « improbable » par des observateurs. L’arrestation de Mme Machado va sans doute le conduire à revoir ses plans.
Les autorités vénézuéliennes, qui ont promis une récompense de 100 000 dollars pour l’arrestation M. Gonzalez Urrutia, ont menacé de prison ceux qui l’accompagneraient, affirmant qu’elles réagiraient comme face à une « force d’invasion ».