En commençant ses réquisitions, le Parquet national financier (PNF) a fustigé, mardi 25 mars, le « pacte de corruption inconcevable, inouï, indécent » noué, selon lui, par Nicolas Sarkozy et ses proches avec le dictateur libyen Mouammar Kadhafi en 2005.
Adjectifs justifiés, selon le procureur financier, Philippe Jaeglé, parce que ce « pacte » a été « conclu avec [un] régime sanguinaire » et a eu « pour objectif de soutenir financièrement la campagne » de « celui qui deviendra le sixième président de la Vᵉ République ». Mais aussi parce qu’il « aurait pu vicier le résultat » de l’élection présidentielle de 2007 et qu’il « risquait de porter atteinte à la souveraineté et aux intérêts de la France », a-t-il poursuivi.
Le PNF n’avait pas de « positionnement figé » avant le procès, a assuré M. Jaeglé. Mais les dix semaines de débats, marquées par les « explications extravagantes » des trois ex-ministres et de M. Sarkozy, ont « renforcé » et « transformé ce positionnement en intime conviction ».
Il a souligné que ce dossier avait été « émaillé de mensonges, interférences, manipulations », notamment de la part de l’ancien locataire de l’Elysée pour empêcher l’avancée de l’enquête. Le procureur a balayé l’un après l’autre les principaux arguments de la défense, au premier chef desquels la thèse d’une « vengeance » des dignitaires libyens après l’intervention internationale – notamment dirigée par M. Sarkozy – qui fera tomber le régime à la fin de 2011.
Après cette introduction, le magistrat a commencé le premier chapitre des réquisitions, qui doivent durer jusqu’à jeudi soir. Les peines requises doivent être formulées à la toute fin.
Jugé pour corruption, recel de détournement de fonds publics, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs, M. Sarkozy encourt dix ans de prison et 375 000 euros d’amende, ainsi qu’une privation des droits civiques (donc une inéligibilité) allant jusqu’à cinq ans. Au vu de la gravité des faits reprochés et de la peine encourue se posera la question de savoir si l’accusation réclame un mandat de dépôt – une incarcération immédiate, même en cas d’appel – à l’égard de l’ancien président.
Versatile intermédiaire
L’ex-homme fort de la droite a de nouveau juré mercredi ne pas avoir « touché un seul centime d’argent illégal, libyen ou autre ». « J’ai eu l’impression qu’on était parti du postulat “Sarkozy coupable” », que « l’enjeu » n’était plus la « recherche de la vérité » mais, pour le parquet financier, de « ne pas perdre la face », a affirmé l’ex-chef de l’Etat.
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Les trois parquetiers, Quentin Dandoy, Philippe Jaeglé et Sébastien de La Touanne, doivent aborder mardi après-midi les trois déplacements en Libye à la fin de 2005 de celui qui était alors ministre de l’intérieur, ainsi que les déplacements de ses proches Claude Guéant et Brice Hortefeux. Moment où s’est noué, pour eux, le « pacte de corruption ».
Ils détailleront aussi les virements d’argent libyen qui ont alimenté un compte de Ziad Takieddine, principal accusateur de ce dossier, en fuite à Beyrouth depuis sa condamnation dans l’affaire Karachi – le versatile intermédiaire a aussi déclaré avoir livré des valises d’argent liquide à Claude Guéant, au ministère de l’intérieur.
Mercredi, les procureurs évoqueront les carnets de l’ancien ministre du pétrole, Choukri Ghanem, mort en 2012 dans des circonstances troubles et qui écrivait en avril 2007 que trois virements, pour 6,5 millions d’euros au total, avaient été envoyés « à Sarkozy ».
L’accusation développera par ailleurs la question des contreparties supposées à ce financement de campagne et détaillera aussi « l’exfiltration » rocambolesque hors de France, en 2012, de Bechir Saleh, ex-directeur de cabinet de Kadhafi, par l’intermédiaire d’Alexandre Djouhri et du patron du renseignement intérieur.
Parmi les prévenus figurent l’ancien ministre Eric Woerth, poursuivi en tant que trésorier de la campagne, l’ancien ami de M. Sarkozy Thierry Gaubert, ainsi que deux hommes d’affaires saoudiens, un banquier franco-djiboutien et un ancien cadre d’Airbus.